«Nous allons nous montrer à la hauteur de la situation. Républicains et démocrates uniront leurs efforts et adopteront un plan de sauvetage d'envergure», a-t-il promis.

«Nous allons nous montrer à la hauteur de la situation. Républicains et démocrates uniront leurs efforts et adopteront un plan de sauvetage d'envergure», a-t-il promis.

Mais le président a livré son court message d'espoir d'un ton parfaitement mécanique. Non seulement George W. Bush manque-t-il de conviction, mais il manque de crédibilité en cette pénible fin de mandat. Après tout, on a affaire ici à l'homme qui a annoncé dès 2003 la fin des combats en Irak sous une banderole «Mission accomplie»!

Les marchés américains ont néanmoins donné la chance au coureur avec une rare patience. Alors que les yeux étaient rivés sur Washington, le temps s'est en quelque sorte arrêté. Les courtiers sont restés sur la touche. Et les journalistes ont trompé l'attente en visionnant des vidéos de Sarah Palin, une source inépuisable de divertissement.

«Nous avons fait beaucoup de progrès», a plaidé Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre des représentants, au terme d'un marathon de négociations qui n'a pas encore abouti à un accord.

«Nous espérons que cela ne prendra pas trop de temps», a poursuivi la représentante démocrate.

Urgence. Le mot est sur toutes les lèvres. Mais il n'y a pas de solution simple pour sortir Wall Street de son pétrin. Chaque jour qui passe et qui rapproche les États-Unis des élections du 4 novembre, le plan de sauvetage annoncé par la Maison-Blanche se complexifie et s'enlise.

Il est tout à fait normal que les Américains ne veuillent pas signer un chèque de 700 milliards dans la précipitation, surtout si ce renflouement ne parvient pas à corriger les problèmes, dont une réglementation défaillante. Après tout, ces mesures vont refaçonner l'économie pour les années à venir. Mais les tiraillements permettent aux groupes d'intérêts de tout acabit de grenouiller. Aussi, plus les discussions s'éternisent, plus les risques de dérapage sont grands.

Même si cela leur répugne, les démocrates acceptent en principe l'idée de la Maison-Blanche de racheter les hypothèques à haut risque et autres actifs endommagés des institutions financières, dans l'espoir que l'économie se remette à tourner. Ils y mettent toutefois leurs conditions.

Les démocrates exigent que la rémunération stratosphérique des financiers revienne sur terre. D'ailleurs, la banque Washington Mutual leur a fourni de nouvelles munitions hier. Le président de cette institution de Seattle qui a été saisie puis revendue à JP Morgan Chase, jeudi, est en poste depuis seulement trois semaines. Or, non seulement Alan Fishman conservera son boni de signature de 7,5 millions, mais il touchera aussi son indemnité de départ de 11,6 millions, soit 19,1 millions au total!

Les démocrates réclament aussi que les 700 milliards consacrés au renflouement des banques soient déboursés par tranches, et que la gestion de ces fonds soit étroitement supervisée. Le gouvernement américain devrait aussi avoir le droit d'entrer au capital des firmes qui tendent la main, de façon à goûter aux profits lorsque les beaux jours reviendront.

Après s'y être opposé, le secrétaire au Trésor des États-Unis, Henry Paulson, s'est montré ouvert à ces propositions qui heurteront ses copains de Wall Street. (Comme grand patron de Goldman Sachs, Paulson a été le financier le mieux payé, en 2005, avec une rémunération de 38,3 millions.)

En revanche, il n'y a toujours rien dans ce plan de sauvetage pour aider les Américains qui sont en voie de perdre leur maison, comme le réclament les démocrates.

L'Association des banquiers américains et l'Association des banquiers hypothécaires usent de toutes leurs relations pour ne pas que le plan de sauvetage accorde des pouvoirs extraordinaires aux juges et rende plus difficile la reprise des résidences impayées, rapporte le Wall Street Journal.

Il n'y a pas que les prêteurs hypothécaires qui font du lobbying. Par exemple, l'association qui représente les coopératives d'épargne fait campagne pour que les «credit unions» soient aussi couvertes par le plan de sauvetage. Et ainsi de suite.

Si les démocrates sont prêts à se présenter au marbre et à appuyer le plan de sauvetage de la Maison-Blanche, il faut qu'il contienne des provisions pour protéger les contribuables et «punir» ne fût-ce que symboliquement Wall Street. Ils tiennent aussi à ce que les républicains soient à leurs côtés, compte tenu de l'impopularité du grand bailout.

Seulement 30% des Américains se disent en faveur de ce renflouement de 700 milliards, d'après un sondage internet mené jeudi par Knowledge Networks pour l'Associated Press (marge d'erreur de 3,8%).

Or, un groupe de républicains auquel John McCain s'associe privilégie un rôle plus effacé. Le gouvernement assurerait les institutions en difficulté plutôt que de racheter leurs actifs viciés.

Avec des lobbies puissants qui défendent leurs acquis et des politiciens qui cherchent à se faire élire dans une course très serrée, une entente ne peut être tenue pour acquise. Et c'est bien là le drame. Parce que pendant ce temps, les sociétés financières continuent de tomber comme des mouches et le crédit se contracte, ce qui augure de durs lendemains pour les entreprises et leurs salariés.

On a fait grand cas des banques d'affaires qui chutent en cascade: Bear Stearns, Lehman Brothers, etc. Mais Washington Mutual était une banque comme nous les connaissons, avec un réseau de succursales. En principe, ces banques sont plus réglementées et plus solides, puisqu'elles s'appuient sur des dépôts. Mais cela n'a pas empêché la sixième banque des États-Unis de courtiser délibérément les Américains moins fortunés en leur offrant des hypothèques dont les paiements ballonnaient dans le temps.

Washington Mutual aspirait à devenir le «Wal-Mart du monde bancaire». Lorsqu'elle a compris qu'elle courait à sa perte, il était déjà trop tard. La banque Wachovia, qui vacille, pourrait être la prochaine à disparaître sous sa forme actuelle. Vite, le temps presse.