Le luxe a trouvé en Asie son nouvel eldorado. Il y a 25 ans, les bureaucrates à Pékin et Shanghai se présentaient au boulot dans leurs habits «Mao». Maintenant, ils portent du Armani.

Le luxe a trouvé en Asie son nouvel eldorado. Il y a 25 ans, les bureaucrates à Pékin et Shanghai se présentaient au boulot dans leurs habits «Mao». Maintenant, ils portent du Armani.

Selon les auteurs d'un nouveau livre, intitulé The Cult of the Luxury Brand(1), on estime que la moitié des ventes de biens de luxe – un marché de 80 milliards US dans le monde – ont été réalisées en Asie l'an dernier.

Chez les femmes de 20 à 30 ans au Japon, plus de neuf sur 10 (94 %) possèdent au moins une création Louis Vuitton. Et chausser des escarpins Ferragamo est la « tenue de rigueur » pour les femmes en Corée du Sud, soutiennent les spécialistes en marketing Radha Chadha et Paul Husband, auteurs de cet essai.

Le goût du luxe, mais surtout de la consommation en général se transmet rapidement aux 1,3 milliard d'habitants de la Chine, à qui l'industrie du luxe fait les yeux doux.

La Chine accapare déjà près de 14 % des ventes mondiales du secteur, affirmait la semaine dernière un dirigeant de LVMH, un consortium français regroupant 50 marques aussi prestigieuses que Louis Vuitton, Christian Dior (parfums), les montres Tag Huer et les champagnes Moët et Chandon.

Selon une nouvelle étude de la firme américaine AT Kearney, réalisée pour le compte d'un regroupement de 64 maisons de luxe françaises, la Chine (y compris Hong Kong) a représenté des ventes de 1,2 milliard d'euros (1,8 milliard CAN) en 2005 pour les sociétés de luxe françaises, soit 6 % de leurs ventes.

Mais ce qui compte est le potentiel du marché. Malgré le fléau de la contrefaçon, plusieurs marques de luxe enregistrent depuis un an des croissances de 30 à 50 % au pays de Mao Tsé-toung.

Si bien que la Chine surpassera le Japon dans le secteur du luxe d'ici 10 ans et sera le premier marché mondial à l'horizon 2015, estime la firme de courtage Merrill Lynch.

J'achète, tu achètes, il...

Les attentes de l'industrie du luxe sont peut-être exagérées, vu le pouvoir d'achat encore faible de la majorité de la population chinoise.

Mais la semaine dernière, les statistiques officielles ont confirmé qu'une classe moyenne est bel et bien en train d'émerger en Chine. Et cela a un effet bien réel: on consomme de plus en plus.

Les ventes de détail dans l'empire du Milieu ont bondi de 14,7 % en février – la plus forte hausse depuis deux ans – alors que la croissance des revenus encourage les travailleurs à acheter des produits électroniques, des vêtements et même des voitures.

Les concessionnaires canadiens, qui trouvent l'hiver bien long, s'en mordront les doigts d'envie: les ventes de voitures en Chine, le mois dernier, ont grimpé de 20,5 % (sur une base annuelle).

Cela s'ajoute à une poussée de 30,2 % en 2006.

Même General Motors, qui se bat pour protéger son marché aux États-Unis contre l'invasion japonaise, en profite: le géant américain a vu ses ventes grimper de 48 % en février en Chine.

«C'est une tendance prometteuse, affirme dans une étude l'économiste Steve Wang, de Bank of America. La consommation est un secteur important sur lequel les autorités travaillent. Cela deviendra un moteur de croissance» pour l'économie mondiale.

Faut-il rappeler que les faibles importations de la Chine, par rapport à ses exportations colossales, constituent un point de discorde majeur entre Washington et Pékin ? Ce déséquilibre alimente l'énorme déficit commercial américain (765 milliards US en 2006, dont le tiers avec la Chine) et contribue à la faiblesse du billet vert.

Jusqu'à récemment, les Chinois étaient davantage portés à économiser leur argent nouvellement gagné qu'à le dépenser, le taux d'épargne dans ce pays étant de plus de 30 %.

Or, les dernières données laissent croire que le vent tourne, car les Chinois délient les cordons de leur bourse. Ils achètent. Et, de toute évidence, beaucoup aiment parader avec des créations occidentales chic et chères... au son des applaudissements nourris des Armani, Gucci et Fendi.

(1) The Cult of the Luxury Brand, de Radha Chadha et Paul Husband, chez Nicholas Brealey.