Institution financière avec un actif sous gestion de 258 milliards recherche président. Seuls les gestionnaires établis avec une feuille de route en finances seront considérés. L'expertise en gestion du risque et la compréhension des produits structurés sont des atouts.

Institution financière avec un actif sous gestion de 258 milliards recherche président. Seuls les gestionnaires établis avec une feuille de route en finances seront considérés. L'expertise en gestion du risque et la compréhension des produits structurés sont des atouts.

La maîtrise du français, la connaissance du Québec et des accointances libérales sont des conditions préalables. Le candidat devra savoir s'exprimer en public et répondre de ses décisions devant les déposants et les parlementaires, dont la toute-puissante ministre des Finances.

Rémunération peu concurrentielle pour l'industrie: salaire de 490 000$, auquel s'ajoutent des primes et des incitatifs à long terme, pour un total de 1,8 million. (Mais ce poste peut servir de tremplin pour se catapulter dans la haute finance.)

Qui remplacera Henri-Paul, cet homme plus grand que nature, qui est tellement familier au Québec que son prénom suffit seul à le présenter?

C'est la lourde décision qui revient au premier ministre Jean Charest et à sa ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, qui était encore abasourdie par le choc, hier, 24 heures après avoir appris son départ. Jamais un président de la Caisse de dépôt et placement du Québec n'a fait le saut au secteur privé en plein mandat.

Pour reprendre une expression anglaise, le futur président de la Caisse a de grands souliers à chausser.

Sous l'impulsion d'Henri-Paul Rousseau, la Caisse est devenue une première de classe. L'an dernier, elle a battu 90% des gestionnaires de caisses de retraite du pays, malgré ses investissements de 13,4 milliards dans du papier commercial vicié.

Or, la Caisse partait de loin à l'arrivée d'Henri-Paul Rousseau. En 2002, la Caisse a connu le pire rendement de son histoire, -9,6%. Et cette contre-performance ne s'explique pas uniquement par le krach des technos.

Cet économiste de formation a entrepris le grand ménage. Il a épuré l'organisation en supprimant un niveau hiérarchique et en élaguant les filiales. Il a fermé la majorité des antennes de la Caisse à l'étranger.

Henri-Paul Rousseau a aussi réexaminé la gouvernance de la Caisse, ce qui s'est traduit par la séparation des postes de chef de la direction et de président du conseil, entre autres.

Au-delà des changements organisationnels, Henri-Paul Rousseau a revu la mission de la Caisse. Finies les folies interventionnistes de son prédécesseur Jean-Claude Scraire, qui a claqué une fortune pour «sauver» Vidéotron des griffes du groupe torontois Rogers.

Dorénavant, la Caisse recherche le rendement avant tout. Le développement économique du Québec n'est plus qu'un objectif «accessoire», dixit Henri-Paul Rousseau.

Mais l'obsession du rendement a aussi provoqué un dérapage. La Caisse a investi 40% (!) de ses liquidités dans du papier commercial vendu par des courtiers indépendants dont les arrières n'étaient pas assurés. Or, comme on le sait maintenant, si le rendement de ces placements à court terme n'était guère meilleur que celui des obligations ou des bons du Trésor (cinq ou 10 points de base), son risque était nettement plus grand. Plusieurs institutions, comme la caisse de retraite ontarienne Teachers', avaient d'ailleurs refusé d'en acheter.

Henri-Paul Rousseau a fait son mea-culpa lorsqu'il a comparu devant l'Assemblée nationale en novembre. Cela dit, les répercussions de la crise auraient été autrement plus graves si l'industrie n'avait pas réussi à s'entendre sur un plan de sauvetage. Or, Henri-Paul Rousseau a joué un rôle déterminant dans cette histoire. Il a remué ciel et terre en août pour négocier une trêve et éviter une vente de feu.

Henri-Paul Rousseau quitte la Caisse avec plusieurs dossiers inachevés sur son bureau. Le juge ontarien qui doit homologuer le plan de sauvetage délibère encore sur l'immunité judiciaire dont jouiraient les vendeurs de ce fameux papier. Bref, l'incertitude persiste.

Et puis, il y a l'investissement de la Caisse dans la British Airport Authority qui préoccupe de plus en plus. Enquête des autorités antitrust, difficulté de refinancement, cafouillages à Heathrow... Or, cet investissement de 2,4 milliards réalisé en 2006 est le deuxième en importance dans l'histoire de la Caisse, après Vidéotron.

À l'évidence, Henri-Paul Rousseau a écouté le chant des sirènes de Power Corporation (propriétaire de La Presse) et de la Corporation financière Power. Présentes en Europe et en Asie, ces deux sociétés offrent à l'ancien dirigeant de la Banque Laurentienne l'occasion de chercher une expérience internationale. En plus, ce sont des entreprises discrètes qui traitent plutôt bien leurs dirigeants.

Henri-Paul Rousseau n'aura plus à justifier ses décisions devant des députés qui le bombardent de questions.

C'est ce rôle public que le futur président de la Caisse devra épouser. Surtout que la redéfinition de la mission de la Caisse est loin de susciter l'adhésion des Québécois. La vente d'Alcan et la privatisation de BCE ont braqué les projecteurs sur la Caisse, qui n'est pas intervenue.

Et il suffirait d'une offre d'achat hostile sur la Banque Nationale du Canada ou sur le détaillant Métro pour que le débat reparte de plus belle.

Il est dommage, d'ailleurs, que l'ancien professeur d'université n'ait pas eu plus d'occasions pour faire oeuvre de pédagogie. Chaque fois qu'il prenait la parole, cet homme charismatique séduisait même certains de ses détracteurs avec ses arguments francs et clairs.

Mais la Caisse, qui cultive le secret, a trop longtemps caché Henri-Paul Rousseau. Le président de la Caisse a bien fait quelques sorties en six ans. Il a dénoncé les pratiques sociales de Wal-Mart et les dirigeants de Molson qui manoeuvraient pour s'emplir les poches. Malgré tout, il a déçu ceux à qui il avait fait miroiter une plus grande transparence.

Souhaitons que la Caisse profite de ce changement de garde inattendu pour s'ouvrir davantage. Elle a tout à y gagner.