Les derniers résultats de l'Enquête sur la population active montrent, entre au tres choses, que le taux de chômage au Québec a reculé à 7,9 %, du jamais vu en 32 ans. Pourtant, ce n'est pas nécessairement une bonne nouvelle.

Les derniers résultats de l'Enquête sur la population active montrent, entre au tres choses, que le taux de chômage au Québec a reculé à 7,9 %, du jamais vu en 32 ans. Pourtant, ce n'est pas nécessairement une bonne nouvelle.

Lors de la publication mensuelle des chiffres de Statistique Canada, les médias s'intéressent surtout au taux de chômage. C'est une donnée spectaculaire et facile à comprendre, mais ce n'est pas la plus fiable. Deux autres indicateurs, le taux d'activité et le taux d'emploi, reflètent beaucoup plus fidèlement le véritable état de santé du marché du travail. Le taux d'activité mesure le nombre de personnes (par rapport à la population de 15 ans et plus) qui occupent un emploi, ou qui sont en chômage mais activement à la recherche d'un emploi. Le taux d'emploi indique la proportion de personnes occupant un emploi. Plus les deux taux sont élevés, mieux c'est.

Or, l'économie québécoise se montre incapable de faire grimper ses taux d'activité et d'emploi. La situation est d'autant plus inquiétante qu'elle stagne depuis trois ans. En 2003, le taux d'activité sur le marché québécois du travail se situait à 66 %, comparativement à 65,4 % le mois dernier. Pendant la même période, le taux d'emploi est passé de 60 % à 60,2 %.

Autrement dit, si le taux de chômage baisse, ce n'est pas parce que le Québec crée plus d'emplois, c'est parce que les chômeurs québécois se découragent de chercher et quittent le marché, certains pour grossir les rangs des assistés sociaux, d'autres pour aller tenter leur chance ailleurs et notamment en Alberta, où le marché du travail s'est enrichi de 80 000 nouveaux arrivants depuis le début de l'année.

Le portrait d'ensemble n'est donc pas trop brillant.

Cependant, à l'intérieur du Québec, la situation varie considérablement d'une région à l'autre. Une bonne façon d'évaluer la performance d'une région est de mesurer son taux d'activité sur une assez longue période. L'Institut de la statistique du Québec a publié récemment des séries complètes en ce sens, couvrant les années 1987 à 2005. On peut donc ainsi voir, sur presque deux décennies, les régions qui montrent le plus (ou le moins) de dynamisme sur le front de l'emploi.

Les différences sont telles qu'il n'est pas exagéré de parler de fossés régionaux.

Dans l'ensemble du Québec, entre 1987 et 2005, le taux d'activité est passé de 63,6 % à 65,6 %, une légère amélioration de deux points de pourcentage.

Certaines régions ont largement profité de cette amélioration, d'autres moins, d'autres, enfin, reculent.

La région de Montréal (c'est-à-dire, selon le découpage administratif du Québec, l'île de Montréal) n'a connu qu'une hausse de 1,2 point en 18 ans, ce qui peut paraître anémique. En réalité, cette apparente stagnation camoufle une bonne nouvelle. Le marché du travail montréalais a connu une longue et pénible période de déclin dans les années 90.

Au plus fort de la crise, en 1997, le taux d'activité à Montréal était tombé à 59 %. Au-dessous de la barre de 60 %, on considère que le marché du travail n'est plus en bonne santé. En 2005, l'activité a rebondi à 65,7 %, ce qui témoigne d'un redressement d'autant plus encourageant que la hausse est due à des emplois bien rémunérés: professionnels, gestionnaires, techniciens, informaticiens.

Pour les fins de l'enquête sur la population active, on utilise toujours le lieu de résidence, et non le lieu de travail. Par exemple, un Lavallois qui trouve en emploi à Montréal fait grimper le taux d'activité à Laval.

Trois régions québécoises se distinguent des autres pour leur performance nettement supérieure à la moyenne: Centre-du-Québec (Drummondville, Victoriaville, Bécancour), Capitale-Nationale, et Chaudière-Appalaches (Lévis, Beauce). Le tonus entrepreneurial des Beaucerons et des Drummondvillois est bien connu. Le gouvernement demeure le principal employeur de la région de Québec, mais il on y voit aussi depuis quelques années l'émergence de gens d'affaires dynamiques, de sorte que le secteur privé y joue un rôle de plus en plus important.

À l'autre bout de l'échelle, trois régions ont connu une détérioration, dont, en particulier, Laval et la Montérégie. En 1987, Laval et la Montérégie affichaient les meilleurs taux d'activité au Québec (après l'Outaouais, qui a toujours été considéré comme un marché à part à cause de l'abondance et de la proximité des emplois fédéraux). Les trois régions centrales dont nous venons de parler figuraient dans le peloton de queue. Apprécions l'ampleur du revirement.

Le déclin de Laval et de la Montérégie ne reflète surtout pas un quelconque déclin économique de ces deux régions, massivement dépendantes de Montréal pour ce qui est du marché du travail. Dans les années 80, on y trouvait les plus fortes concentrations de baby-boomers au Québec. En 2005, les boomers ont commencé à se retirer du marché du travail, contribuant à faire chuter d'autant le taux d'activité dans leurs régions de résidence. Les retraités, tout comme les conjoints au foyer, ne sont pas comptés dans la population active.

Signalons enfin le triste état de santé de la Gaspésie. Certes, le taux d'activité s'est légèrement amélioré depuis 1987, mais cela ne prouve rien, au contraire. Pendant la période étudiée, cette région n'a jamais réussi à faire mieux que 54 % (en 2002), chiffre pitoyable selon tous les critères reconnus. De plus, l'apparente amélioration du taux d'activité en Gaspésie camoufle une tragédie: depuis 1987, la région a perdu 6,2 % de ses emplois, mais 7,2 % de sa population en âge de travailler. Il reste donc moins de gens pour occuper les emplois qui restent.

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