En baissant la taxe sur les produits et services (TPS), le gouvernement Harper ne fait de cadeau à personne.

En baissant la taxe sur les produits et services (TPS), le gouvernement Harper ne fait de cadeau à personne.

Pour financer cette promesse électorale, le ministre des Finances, Jim Flaherty, a annulé les baisses d'impôts promises par son prédécesseur libéral, Ralph Goodale.

Or, les documents budgétaires montrent que le manque à gagner résultant de la baisse de la TPS sera compensé, pratiquement à la cenne près, par la hausse des recettes provenant de l'impôt sur le revenu des particuliers.

Autrement dit, ce que le ministre donne d'une main, il le reprend de l'autre.

En campagne électorale, les conservateurs de Stephen Harper ont promis de ramener le taux de la taxe de 7% à 6% dès leur premier budget, et de la réduire à 5% avant la fin de leur premier mandat. Dans les deux cas, ils ont tenu parole.

La première baisse est survenue le 1er juillet 2006, et la deuxième est entrée en vigueur le 1er janvier dernier.

La mesure se fait donc sentir sur les résultats financiers du gouvernement à partir de l'exercice 2006-2007.

Il est clair qu'elle entraîne un manque à gagner important. Ainsi, selon les projections du ministère des Finances, la TPS devrait rapporter, compte tenu de ces baisses, 118,4 milliards entre 2006 et 2009.

Or, le dernier budget présenté par le gouvernement de Paul Martin, en février 2005, prévoyait pour la même période des revenus de TPS de 143,6 milliards, en supposant évidemment qu'elle demeure à son niveau de 7%.

La différence est donc de 25,2 milliards; Ottawa se prive ainsi, avec la baisse de la TPS, de revenus de 6,3 milliards par année en moyenne.

De leur côté, quand ils étaient encore au pouvoir, les libéraux ont annoncé des baisses d'impôts sur le revenu des particuliers. Le même budget Goodale de février 2005 émettait à cet égard des projections tenant compte de ces baisses.

Ainsi, on prévoyait que limpôt sur le revenu apporterait des recettes de 441,9 milliards dans les coffres du gouvernement, toujours entre 2006 et 2009.

Les conservateurs, on le sait, ont annulé ces baisses d'impôts, comme ils en avaient d'ailleurs annoncé l'intention en campagne électorale. L'impact de cette décision apparaît clairement dans les documents budgétaires déposés la semaine dernière par le ministre Flaherty.

Ainsi, au lieu des 441,9 milliards prévus par M. Goodale, l'impôt des particuliers rapportera 467,1 milliards. Eh oui! les plus rapides d'entre vous ont tout compris: la différence est de 25,2 milliards, ou exactement 6,3 milliards par année en moyenne...

Tout cela n'aura finalement aucun impact sur les équilibres financiers du gouvernement.

Aucun impact? C'est à voir.

Tous les spécialistes s'accordent pour dire qu'il est beaucoup plus improductif, sur le plan économique, de taxer les revenus plutôt que la consommation.

Pour l'immense majorité des contribuables, le salaire constitue le principal revenu. Lorsque vous taxez les revenus, vous taxez le travail, et la ponction est d'autant plus douloureuse qu'elle augmente à mesure que vous progressez dans les fourchettes d'imposition. Plus fort vous travaillez, plus durement vous êtes taxés.

C'est d'ailleurs pour cela que plusieurs salariés, quand ils en ont la possibilité, se font payer leurs heures supplémentaires en temps plutôt qu'en argent. Ce n'est certainement pas la meilleure façon de motiver les travailleurs et de stimuler la productivité.

D'autre part, en taxant la consommation, vous taxez le niveau de vie. Certes, les taxes à la consommation sont assez mal vues parce qu'elles sont, en principe, régressives, c'est-à-dire qu'elles pénalisent davantage les consommateurs à faibles revenus.

Deux clients, un riche et un pauvre, vont chez le coiffeur. Les deux paient exactement la même taxe pour leur coupe de cheveux. Pour le riche, cela ne paraît même pas; mais le pauvre doit y consacrer une part plus importante de son revenu.

Dans le cas de la TPS, l'argument ne tient pas, parce que le gouvernement fournit des crédits d'impôt pour TPS aux ménages à faibles revenus.

Dans plusieurs cas, les montants des chèques sont supérieurs aux montants réellement dépensés en TPS.

D'autre part, les biens de première nécessité, comme le loyer et la nourriture, ne sont pas taxés.

Enfin, taxer la consommation ferme davantage la porte à l'évasion fiscale. Certes, vous pouvez toujours trouver le moyen de vous entendre sous la table avec des fournisseurs.

Mais le système de perception de la TPS compte beaucoup moins de trous que le régime d'imposition sur le revenu. La vaste majorité des commerces applique la loi. Ainsi, la mafioso qui soustrait ses revenus à l'impôt doit quand même payer sa TPS comme tout le monde lorsqu'il dîne au restaurant.

Le gouvernement Harper a finalement choisi d'échanger quatre trente sous pour une piastre, mais au bout du compte, tout le monde y perd...