Tandis qu'un Airbus A380 survolait les bureaux de Bombardier lundi, l'avionneur montréalais s'approchait subrepticement du marché des gros-porteurs, la chasse gardée d'Airbus et de Boeing.

Tandis qu'un Airbus A380 survolait les bureaux de Bombardier lundi, l'avionneur montréalais s'approchait subrepticement du marché des gros-porteurs, la chasse gardée d'Airbus et de Boeing.

Bombardier a finalement choisi le moteur qui équipera la CSeries. L'entreprise montréalaise n'a pas encore donné le feu vert à cette famille d'avions commerciaux pouvant accueillir de 110 à 130 passagers.

Une décision sera prise avant la fin de 2008. Mais l'entreprise parle de moins en moins de ces avions au conditionnel.

C'est Pratt & Whitney qui l'a emporté avec son dernier-né, une turbosoufflante à réducteur. Ce choix n'étonne pas les observateurs de l'industrie.

Le motoriste du Connecticut partait avec une longueur d'avance, lui qui planchait sur ce dossier depuis plus d'un an. La décision de Bombardier était néanmoins fort attendue, dans le sens de en retard.

En effet, voilà près de trois ans que Bombardier discute avec des motoristes pour trouver le moteur idéal de la CSeries. Il ne s'agit pas d'un équipement anodin puisque c'est le moteur qui donnera à Bombardier son boniment de vendeur, son "pitch" si vous préférez.

En effet, pour convaincre des transporteurs d'acquérir des avions monocouloirs qui n'auront aucun point en commun avec le reste de leur flotte commerciale, Bombardier doit pouvoir offrir des avantages marqués.

L'entreprise montréalaise s'est engagée à livrer un appareil qui coûte 15% de moins à exploiter que ses concurrents, les plus petits Airbus A320 et les Boeing 737. Pour atteindre cet objectif, Bombardier promet une consommation en carburant de 20% inférieure.

Le moteur de Pratt & Whitney n'est pas au point: il entrerait en service en 2012 ou en 2013. Mais le motoriste américain estime que ce nouveau moteur offrira une consommation en carburant de 12% inférieure ainsi que des coûts d'entretien de 40% inférieurs.

Est-ce que Bombardier atteint sa cible? Est-ce que l'entreprise la dépasse, grâce à l'emploi de matériaux composites qui allègent les appareils? Le porte-parole de la division aéronautique, Marc Duchesne, était incapable de le dire lundi.

Il faut voir que Bombardier avait décidé de jouer les discrètes et n'avait rédigé aucun communiqué pour annoncer ce choix pourtant crucial à son avenir -la CSeries coûterait plus de 2,1 milliards de dollars américains à développer.

Ainsi, c'est Pratt & Whitney qui a révélé la nouvelle, lors du salon aéronautique de Dubaï.

Bombardier n'avait peut-être pas envie de rappeler que le feuilleton de la sélection du moteur de la CSeries s'est étiré et étiré...

Les deux grands consortiums de motoristes qui devaient développer un nouveau moteur pour la CSeries s'étaient désistés après un an de pourparlers, au printemps de 2005.

CFM International (Snecma et General Electric) ne voulait pas s'engager auprès de Bombardier de peur de ruiner ses relations avec Boeing et Airbus.

Quant à International Aero Engines (Pratt & Whitney, Rolls-Royce, Japanese Aero Engines et MTU Aero Engines), il doutait de l'importance du marché pourchassé par Bombardier, révélait la revue spécialisée Flight International.

Pratt & Whitney Canada s'était finalement portée volontaire avant de passer le ballon à sa grande soeur Pratt & Whitney, autre filiale de United Technologies Corporation. Par la suite, CFM International a fait volte-face et est revenue dans la course sur le tard, de même que Rolls-Royce. En vain.

Avec le choix définitif de Pratt & Whitney, l'aboutissement d'une décennie d'efforts si on remonte à l'ancêtre de la CSeries, le défunt BRJ-X, Bombardier a maintenant toutes les cartes en main.

Elle n'a plus qu'à déposer son jeu et à voir la réaction des compagnies aériennes. C'est le moment de la vérité.

Si Bombardier est sur le point de partir à la chasse d'Airbus, elle n'en protège pas moins ses arrières.

En effet, plutôt que d'annoncer le moteur de la CSeries, Bombardier a jugé lundi qu'il était plus «matériel» ou significatif d'annoncer aux investisseurs l'ouverture de nouveaux centres de service dans le monde.

Ainsi, Bombardier va créer des bureaux de soutien et ouvrir de nouveaux dépôts de pièces pour ses avions régionaux en Europe, en Asie et en Amérique du Sud.

L'entreprise venait justement d'accroître son soutien au Japon, tiens donc... Bombardier ne mentionne jamais les nombreux incidents reliés au train d'atterrissage du Q400, mais cela transpire à grosses gouttes du communiqué.

Dorénavant, donc, Bombardier va prendre ses clients par la main. Vaut mieux cela que de leur laisser savoir qu'ils ne savent pas comment entretenir leurs avions, ce qui est assez insultant merci.

Même si dans le dernier atterrissage raté de la Scandinavian Airlines, Bombardier avait visiblement raison. Vous savez ce fameux joint torique, un «O-ring» en bon français, qui s'est trouvé on ne sait trop comment au mauvais endroit au mauvais moment!

Mais bon, toute vérité n'est pas bonne à dire.