Ce n'est qu'une anecdote parmi des milliers. Un cas extrême, sans doute, mais qui illustre la gravité de la crise.

Ce n'est qu'une anecdote parmi des milliers. Un cas extrême, sans doute, mais qui illustre la gravité de la crise.

La très fragile Fannie Mae, plus important spécialiste du refinancement hypothécaire aux États-Unis, n'a pu trouver récemment un acheteur qui accepterait de payer 6900$US pour une maison de trois chambres à Flint, au Michigan. Cette ville industrielle économiquement sinistrée, lieu de naissance du cinéaste-pamphlétaire Michael Moore, est située au coeur du bastion de l'automobile américaine.

Le courtier dans ce dossier a donc conseillé à son client de réduire le prix à 5000$US. Toujours pas d'acheteur... pour une maison payée 110 000$US en 2005, rapporte l'agence Bloomberg dans un long reportage. On a peine à le croire.

En raison de la crise du crédit, Fannie Mae a saisi deux fois plus de maisons au premier trimestre qu'elle en a vendu, selon des données fédérales. C'est dire à quel point beaucoup de familles ne peuvent plus joindre les deux bouts. C'est aussi une autre raison de l'immense stock de maisons à vendre qui jonchent le champ de bataille qu'est le marché américain.

Plan insuffisant

On comprend mieux pourquoi Washington a adopté en catastrophe mercredi un ambitieux plan de sauvetage visant à aider les emprunteurs et les organismes de refinancement hypothécaire Freddie Mac et Fannie Mae.

Le plan, provoqué par la plus grave crise immobilière depuis la Grande Dépression de 1929, vise à aider les emprunteurs étranglés par leurs mensualités en relevant notamment le plafond des prêts qui peuvent obtenir une garantie publique.

Cela revient à permettre une garantie de l'État sur près de 300 milliards US d'emprunts immobiliers et apportera une bouffée d'air aux emprunteurs. Mais ce plan se bute à des réalités financière et économique très difficiles.

Au plan financier, la situation ne cesse de se détériorer à cause de la crise de confiance des investisseurs à l'endroit des banques américaines. Concrètement, ces inquiétudes continuent de pousser à la hausse les taux hypothécaires en dépit du ralentissement économique.

Ainsi, le taux moyen pour une hypothèque (terme fixe) de 30 ans aux États-Unis s'élevait à 6,71% jeudi, comparativement à 6,44% une semaine auparavant. Le taux sur les prêts «jumbo» (plus de 400 000$US) a atteint 7,8% récemment - un sommet depuis décembre 2000, selon HSH Associates.

Pour un prêt de 400 000$US (un emprunt assez fréquent aux États-Unis), ce petit bond d'un tiers de point des taux représente des paiements additionnels d'environ 850$US par an pour les aspirants acheteurs ou les propriétaires qui renouvellent leur prêt ces jours-ci.

La vie toujours plus chère

En temps normal, les consommateurs dans un pays aussi riche que les États-Unis pourraient supporter un fardeau hypothécaire additionnel sans trop broncher. Mais la classe moyenne américaine est fragilisée, mal en point. En fait, elle tend à s'appauvrir car ses revenus diminuent et le coût de la vie augmente sans cesse, selon des experts qui ont témoigné devant la Chambre des représentants, à Washington, la semaine dernière.

Ainsi, le revenu annuel médian (le point qui sépare un groupe en deux parties égales) des ménages a diminué de 1175$US en termes «réels»- donc après l'inflation - de 2000 à 2007, évalue Elizabeth Warren, professeure à l'Université Harvard.

En contrepartie, une famille moyenne américaine doit dépenser 4655$US de plus pour ses besoins de base, qui comprennent le logement, les frais de transport, la nourriture et l'assurance santé. L'essence à elle seule représente une ponction de 2195$US dans le budget familial par rapport à 2000.

Que font les Américains pour combler le vide? La chose qu'ils connaissent le mieux: ils empruntent. «Jamais, depuis la Grande Dépression, on n'a vu autant de familles au bord du précipice», a déclaré Mme Warren aux autorités politiques.

Tout cela est inquiétant, troublant. Et malgré le plan de sauvetage ambitieux et coûteux adopté par le gouvernement la semaine dernière, les Américains ont une côte abrupte à remonter.

Et il leur faudra du temps pour y arriver.