On ne peut certainement pas reprocher au gouvernement minoritaire de Stephen Harper d'être demeuré inactif dans les dossiers économiques et financiers pendant son mandat de deux ans et demi.

On ne peut certainement pas reprocher au gouvernement minoritaire de Stephen Harper d'être demeuré inactif dans les dossiers économiques et financiers pendant son mandat de deux ans et demi.

Le point le plus positif de son bilan, je trouve, est le règlement du déséquilibre fiscal, affaire qui a empoisonné les relations fédérales-provinciales pendant une décennie. À partir de 1997, moment où le ministre des Finances Paul Martin a réussi à éliminer le déficit qui rongeait les finances publiques, Ottawa s'est mis à accumuler d'énormes surplus. Pendant ce temps, les provinces devaient faire face à une explosion des dépenses de santé tout en subissant d'importantes compressions dans les transferts fédéraux.

Résultat: Ottawa nageait littéralement dans l'argent pendant que les provinces (sauf l'Alberta) renouaient avec le cercle vicieux des déficits ou de l'endettement, ou, dans les meilleurs des cas, parvenaient de peine et de misère à maintenir l'équilibre financier, au prix de mille contorsions. À l'époque, Benard Landry avait trouvé une excellente formule pour décrire cette situation malsaine: les besoins sont dans les provinces, l'argent est à Ottawa!

Pourtant, à Ottawa, le gouvernement libéral de Jean Chrétien a toujours nié l'existence du déséquilibre, même quand celui-ci est devenu évident. Chose intéressante, ce n'est pas le ministre des Finances de l'époque, Paul Martin, qui a été chargé de monter au front pour défendre la position fédérale, mais le ministre des Affaires intergouvernementales, nul autre que Stéphane Dion. Quand M. Martin est devenu premier ministre à son tour, il a continué à nier l'existence du déséquilibre.

Dans ce dossier, il est clair que l'élection de M. Harper a constitué un déblocage majeur. Dans le premier budget du nouveau gouvernement, déposé seulement quatre mois après les élections, le ministre des Finances Jim Flaherty est on ne peut plus limpide: "Le gouvernement s'engage, écrit-il, à prendre des mesures immédiates pour rétablir l'équilibre fiscal au Canada."

Il tiendra parole. Depuis 2006, les transferts aux provinces sont passés de 37,5 à 44,9 milliards de dollars, une augmentation qui frise les 20%. Même en tenant compte de l'inflation, les transferts ont maintenant rejoint et même dépassé leur niveau d'avant les compressions. Pour une province comme le Québec, cela fait une nette différence. En 2006, les transferts fédéraux au Québec représentaient 9,2 milliards, ou 17% de l'ensemble des revenus du gouvernement québécois. En 2008, les transferts ont bondi à 12,2 milliards, ou 20% des revenus.

Le gouvernement Harper a également respecté intégralement une autre promesse électorale, celle de baisser la TPS d'un point de pourcentage après les élections et d'un autre point avant la fin d'un premier mandat. Le taux de la taxe est effectivement passé de 7 à 6% le 1er juillet 2006, et de 6 à 5% le ler janvier dernier.

Les économistes sont presque unanimes à penser qu'il s'agit d'une erreur. Cette décision prive le gouvernement de revenus évalués à 3,5 milliards par année, sans que l'on puisse en retirer des avantages substantiels sur le plan économique. La plupart des administrations publiques, dans les pays industrialisés, tendent à baisser les impôts sur le revenu, qui découragent les gens à travailler (plus vous gagnez d'argent, plus vous devez en remettre au gouvernement) et dont le mode de perception comporte plein de trous. En revanche, les taxes à la consommation comme la TPS sont beaucoup plus étanches (même le mafioso doit payer sa TPS lorsqu'il va au restaurant), plus faciles et moins coûteuses à administrer.

Mais bon, il s'agissait d'un des engagements électoraux les plus stratégiques de Stephen Harper en 2006; l'opinion publique serait assez mal venue de reprocher à un politicien de tenir ses promesses...

Un autre dossier important reste en suspens, mais risque de venir hanter M. Harper au cours de la campagne qui débute. C'est celui de la péréquation, ou plus précisément du partage des redevances sur les ressources. Dans cette affaire, Danny Williams, premier ministre de Terre-Neuve, un conservateur comme M. Harper, fait pourtant des pieds et des mains pour faire battre les candidats conservateurs dans les provinces de l'Atlantique. La réforme de la péréquation oblige le gouvernement de Terre-Neuve à partager les énormes redevances pétrolières qu'il retire du projet Hibernia et d'autres exploitations offshore.

Dans cette affaire, il est difficile de ne pas donner raison à M. Harper. Tant que Terre-Neuve était la province la plus pauvre du Canada, elle ne crachait pas sur l'argent de la péréquation. Maintenant qu'elle est devenue riche à cause du pétrole, elle refuse de partager!

L'héritage Harper comprend aussi un certain nombre de mesures intéressantes que l'on retrouve dans les trois budgets que son gouvernement minoritaire a eu le temps de déposer et de faire adopter.

Ainsi, le budget de 2006 remplit une autre promesse électorale, celle de fournir aux familles une allocation de 100$ par mois pour chaque enfant de moins de 6 ans. En plus de la baisse de la TPS, ce premier budget contient aussi de modestes baisses d'impôts pour les contribuables et les petites entreprises.

Le budget de mars 2007 contient aussi des baisses d'impôts modérées. Mais surtout, il propose la réforme de la péréquation dont nous venons de parler. Même si elle soulève l'ire de Danny Williams, la nouvelle formule est une bonne chose. De l'avis unanime, l'ancien système de péréquation était opaque, injuste, instable et incomplet. Cela faisait plus de 20 ans qu'on parlait de le rendre plus simple et plus équitable, mais sans jamais rien faire. Il était temps que quelqu'un bouge.

Enfin, le budget 2008 est moins spectaculaire, mais contient une mesure susceptible de plaire aux épargnants: la création d'un compte d'épargne libre d'impôt.