Occasionnellement, des événements surviennent sur notre vaste planète pour nous rappeler que les bulles spéculatives ne sont pas éternelles.

Occasionnellement, des événements surviennent sur notre vaste planète pour nous rappeler que les bulles spéculatives ne sont pas éternelles.

Même un secteur en apparence aussi solide que l'immobilier ne peut se soustraire à la loi de la gravité.

Le mois dernier, la récession immobilière américaine a pris un tournant dramatique avec l'écrasement du marché des prêts hypothécaires à risque. Ces prêts à gogo, consentis à des taux élevés à tout acheteur capable d'apposer sa signature au bas d'un contrat, ont grandement contribué à la flambée des prix du logement... qui sont aujourd'hui en baisse dans plusieurs régions.

Or, voilà que des fissures commencent aussi à apparaître dans la forteresse immobilière européenne.

Les actions des promoteurs immobiliers à la Bourse de Madrid ont brusquement piqué du nez, la semaine dernière, laissant craindre que le marché résidentiel en Espagne - l'un des plus surchauffés d'Europe - ne s'effondre.

Les géants Inmobiliaria Colonial SA et Grupo Inmocaral SA ont vu leur titre chuter de 13 % et 11 % respectivement mardi dernier.

Vitesse des «corrections»

Et on a pu constater à quel point la vitesse de ces «corrections» peut être étourdissante: l'action de la nouvelle star immobilière, Astroc Mediterraneo SA, est passée d'un sommet de 45 euros à 16 euros en moins d'une semaine.

Plus qu'un incident circonscrit à la péninsule ibérique, cette crise risque d'avoir des répercussions sur toute l'économie espagnole et même sur le reste du continent.

La construction est le principal moteur de croissance en Espagne depuis deux ans, représentant près de 11% du produit intérieur brut (PIB). Or, l'économie espagnole est l'une des plus dynamiques d'Europe depuis cinq ans, avec une croissance de plus de 3,5 % par année.

Gonflé par des taux d'intérêt très bas, le prix moyen d'une maison en Espagne a plus que doublé depuis 2000, entraînant un record de mises en chantier par les promoteurs qui ont flairé la bonne affaire.

L'engouement des Espagnols pour le béton paraissait sans limite et ceux-ci semblaient prêts à payer n'importe quel prix pour s'acheter une propriété.

Jusqu'au moment où les nouveaux propriétaires ont fini par entendre des craquements dans leurs petits châteaux espagnols. La Banque d'Espagne, la banque centrale du pays, a tiré la sonnette d'alarme en révélant, le mois dernier, que le niveau d'endettement des ménages a bondi de 18,5 % en 2006.

Si bien que celui-ci est maintenant l'un des plus élevés d'Europe, soit l'équivalent de 118 % du revenu moyen contre 50 % 10 ans plus tôt.

Encore récemment, des études indiquaient que les prix des résidences étaient possiblement surévalués de 30 %, de sorte qu'un recul des prix semble inévitable, ajoutait l'agence Standard & Poor's.

Les maisons secondaires

Autre signe précurseurs: le marché des maisons secondaires en Espagne, grandement prisé par les retraités britanniques en particulier, est déjà en récession. Selon une enquête de l'agence Bloomberg, le mois dernier, plusieurs «étrangers» ont dû vendre à perte leur résidence sur la Costa del Sol et dans les îles Baléares, craignant l'éclatement de la bulle immobilière.

Les investisseurs ont finalement cédé à la panique, ces derniers jours, lorsque les actions des banques espagnoles ont perdu de leur valeur, les analystes redoutant une forte hausse des défauts de paiements sur les hypothèques.

Bref, cette histoire ressemble à un vieux film d'horreur que les Américains connaissent déjà par coeur. La question est de savoir si la crise espagnole va contaminer d'autres régions.

Vendredi, un spécialiste immobilier et l'un des plus grands propriétaires du Royaume-Uni, Vincent Tchenguiz, affirmait que les prix des résidences dans son pays sont actuellement «fortement surévalués».

Pour le moment, personne ne sait avec certitude comment le marché européen va réagir. Mais, selon une étude de la Deutsche Bank AG, de Francfort, il faut surtout craindre l'effet «psychologique» de la crise espagnole sur le reste de l'Europe où les prix des maisons sont très élevés, notamment à Londres et Paris.

Les experts rappellent que la Banque centrale européenne (BCE) et la Banque d'Angleterre parlent toujours de hausser les taux d'intérêt pour contenir l'inflation.

«Les gens deviennent de plus en plus préoccupés par la situation en Espagne parce que les taux vont grimper», affirme Kenneth Wattrett, économiste en chef pour l'Europe de BNP Paribas, à Londres.