Non seulement Ronald Weinberg est-il un homme libre, mais en plus, il est sur le point d'être libéré du plus gros des poursuites judiciaires qui pendent au-dessus de sa tête.

Non seulement Ronald Weinberg est-il un homme libre, mais en plus, il est sur le point d'être libéré du plus gros des poursuites judiciaires qui pendent au-dessus de sa tête.

Au moment d'écrire ces lignes, des avocats finassaient les derniers détails d'un règlement à l'amiable qui lui permettrait de tourner la page sur Cinar. Incroyable mais vrai.

Cinar se passe de présentation. Ce producteur d'émissions pour enfants a couru au désastre après avoir détourné 122 M$ US aux îles Bahamas et utilisé des prête-noms pour soutirer des subventions et des crédits d'impôts des gouvernements.

Les actionnaires de Cinar ont presque tout perdu lorsque l'aventure a tourné au vinaigre.

En fait, il ne reste plus que la poursuite pour plagiat intentée contre Cinar par le très tenace auteur Claude Robinson, qui vise aussi par ricochet Ronald Weinberg, cofondateur de l'entreprise avec sa partenaire, Micheline Charest.

Le nouveau documentaire sur Micheline Charest ne peut donc sortir à un meilleur moment. Intitulé La femme qui ne se voyait plus aller, ce film sera présenté en primeur mercredi prochain, aux Rendez-vous du cinéma québécois.

Plus qu'un portrait de la grande patronne de Cinar, ce documentaire de 52 minutes de la journaliste Francine Pelletier rappelle à quel point les crimes de Cinar sont restés impunis.

Une impunité qui s'expliquerait par l'ingérence politique des libéraux de Jean Chrétien, insinue avec audace la documentariste.

Ceux qui ont suivi la trajectoire météorite de Micheline Charest, morte à 51 ans des suites d'une chirurgie plastique, apprendront peu de choses de cette vedette des affaires au parcours archimédiatisé.

La réalisatrice Francine Pelletier a toutefois mis la main sur des photos et des extraits vidéo inédits de l'enfance choyée de la cofondatrice de Cinar, premier enfant d'une riche famille de Québec.

La petite Micheline qui parle au père Noël. La petite Micheline qui chante Au clair de la lune. La petite Micheline à sa première communion.

Les images fascinantes de cette gamine au visage couvert de taches de rousseur ne rendent pas plus sympathique Micheline Charest, la femme d'affaires dévorée par l'ambition.

Les critiques sont féroces. Aux yeux du consultant Marcel Côté, son absence de contrition est la marque d'une «amoralité totale».

Si les critiques de ses détracteurs les plus véhéments n'étonnent guère, ce sont celles des proches de Micheline Charest qui portent le plus.

«La justice, ce n'est pas de ne pas voler 200 millions de dollars. C'est de ne pas voler un sou à personne. C'est la valeur de la famille», dit son oncle Bernard Charest.

«C'est l'appât du gain qui devient tellement enivrant qu'on en perd la raison», explique son cousin Christian Martin, les yeux mouillés par l'émotion.

«Chaque matin, la Bourse était pour elle un miroir: dis-moi qui est la plus belle, dis-moi qui réussit le mieux», lance Pierre Lampron, l'ancien président de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), qui s'est visiblement senti trahi par Micheline Charest.

Près de quatre années après sa mort, rares sont les anciens employés de Cinar et les proches de cet ancien «power couple» qui ont accepté de parler de Micheline Charest.

Et rares sont les institutions publiques, tant fédérales que provinciales, tant réglementaires que policières, qui ont expliqué leurs agissements dans l'affaire Cinar. C'est ce que Francine Pelletier appelle le «mur du silence».

Les faits sont néanmoins implacables. Micheline Charest et Ronald Weinberg n'ont jamais été accusés de quoi que ce soit, même si les actionnaires ont entretenu leur train de vie princier.

Pas plus qu'ils n'ont reconnu le moindre tort dans ce fiasco. Ils ont réussi à esquiver leurs responsabilités par des règlements à l'amiable secrets, autant avec le fisc qu'avec la Commission des valeurs mobilières du Québec (aujourd'hui l'Autorité des marchés financiers).

On ne sait d'ailleurs pas si le couple a remboursé les 27,5 millions qu'il s'était engagé à remettre à Revenu Canada et à Revenu Québec, relève avec justesse Francine Pelletier.

Pis, Cinar est revenue dans les bonnes grâces de Téléfilm Canada seulement deux années après avoir roulé dans la farine cette société de promotion de l'industrie canadienne du film!

«Je suis intimement convaincu, et mon client aussi, qu'il y a eu interférence politique dans le dossier», dit l'avocat Marc-André Blanchard, en évoquant la proximité de Micheline Charest avec le Parti libéral du Canada et les ambitions politiques prêtées à la femme d'affaires.

À l'époque de l'entrevue, Marc-André Blanchard représentait l'auteur Claude Robinson. Mais en mars dernier, cet avocat a été nommé juge à la Cour supérieure, ce qui l'a contraint à céder ses dossiers.

Marc-André Blanchard a dit tout haut ce que plusieurs soupçonnent sans en avoir la preuve. «Cela prendrait une enquête sur l'enquête», estime le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe.

L'avocat a peut-être des informations crédibles pour étayer son affirmation explosive, mais elles ne sont pas présentées dans ce film. De son côté, la documentariste n'en a pas déterré d'autres.

Aussi, les images de Jean Chrétien qui remercie Micheline Charest d'avoir organisé un souper bénéfice pour le Parti libéral sont-elles lourdes de sous-entendus.

Peut-être que le procès de Claude Robinson permettra de lever le voile sur cette nébuleuse affaire. Mais d'ici à ce qu'il commence, l'automne prochain, la documentariste Francine Pelletier devra défendre son oeuvre.