Ottawa, on le sait, veut déréglementer le secteur des télécommunications. Les conservateurs songent notamment à ouvrir ce secteur à la propriété étrangère.

Ottawa, on le sait, veut déréglementer le secteur des télécommunications. Les conservateurs songent notamment à ouvrir ce secteur à la propriété étrangère.

Nos propres entreprises, Cogeco et son acquisition au Portugal en est un bon exemple, achètent déjà des entreprises à l'étranger. Si cela s'avérait, il faudra être très vigilant et s'assurer que le gâchis qui vient de se produire dans les mines ne se répète pas dans les télécoms.

Ce gâchis, c'est la vente d'Inco et de Falconbridge à des intérêts étrangers, alors que la logique même aurait été de créer chez nous un géant minier canadien, issu de la fusion de ces deux minières centenaires.

Dans un reportage intitulé «Le grand désastre minier canadien» l'auteur et journaliste Jacquie McNish nous raconte dans le numéro de samedi du Globe and Mail l'histoire de cette union ratée.

Une histoire où se mélangent la paranoïa, l'incompréhension de directeurs trop conservateurs, l'apathie des gouvernements et l'entrée en scène d'acteurs plus agressifs, pour qui les mines sont un placement et non un gisement.

L'idée de créer un géant canadien remonte à l'été 2003. Elle est de Scott Hand, chef de la direction d'Inco. C'est Derek Pannel, grand patron de Falconbridge, qui en a semé les germes. Pourquoi, avait suggéré ce dernier, ne pas mettre notre rivalité centenaire de côté pour créer un partenariat à Sudbury où nos mines sont voisines?

Les deux hommes avaient sous-estimé la difficulté de surmonter des barrières érigées par des années de méfiance et de mépris. Un climat de paranoïa s'installe au sein de l'équipe de gestionnaires, dégagés par les deux entreprises pour établir la base d'un éventuel partenariat: et si ce partenariat n'était qu'une tentative déguisée par la rivale pour fomenter une prise de contrôle hostile?

L'union envisagée n'aboutira nulle part. La lenteur des pourparlers aura eu raison de la patience des directeurs des deux entreprises qui, plutôt pépères, n'ont pas saisi l'urgence de fouetter les troupes.

Pendant qu'on se boudait à Sudbury, la consolidation dans le secteur minier se poursuivait à vive allure. Au terme d'une bataille serrée avec l'européenne Xstrata, la britannique BHP Biliton mettait finalement la main sur l'australienne WMC Resources. Frustré de cet échec, Mike Davis, grand patron d'Xstrata, jettera son dévolu sur les 20% de Falconbridge que détenait Noranda. Le loup venait d'entrer dans la bergerie canadienne.

Conscient du danger, le grand patron d'Inco revient à la charge et convainc cette fois les membres de son conseil de la nécessité d'une union avec Falconbridge. Le 11 octobre 2005, Inco annonce la prise de contrôle amicale de sa voisine.

Malgré les pressions de la minière de Sudbury, qui cherche à éloigner les prédateurs étrangers, le bureau du premier ministre ne dira rien sur l'importance de créer un géant canadien. Paul Martin craignait que ce nationalisme économique ne soulève des vagues.

La fusion Inco-Falconbridge s'enlise à Bruxelles. Les autorités réglementaires européennes tardent à donner le feu vert à la création de ce géant. Inco se tourne une fois de plus vers Ottawa pour obtenir l'appui du fédéral dans ce dossier. Tout comme les libéraux, les conservateurs, nouvellement élus, préféreront ne pas se mêler du dossier. Cette apathie des gouvernements coûtera cher.

Finalement, après de nombreux rebondissements, des volte-face et l'élaboration de différents scénarios pour maintenir en vie l'union d'Inco et de Falconbridge, le mariage ne sera jamais consommé. Des géants étrangers, dont les patrons, d'anciens banquiers d'affaires aguerris, profiteront des erreurs et des hésitations des Canadiens. Falconbridge passera aux mains de Xstrata et Inco sera acquise par la brésilienne CVRD.

Cette fin, triste à pleurer, aurait pu être évitée. Il aurait fallu que les acteurs de cette saga soient plus clairvoyants, qu'ils comprennent la nécessité de consolider l'industrie avant que d'autres ne le fasse à notre place.

Puisqu'on ne peut pas en réécrire la fin, il faudra au moins en tirer les leçons. L'Histoire, avec un grand H, a, comme on le sait, souvent tendance à se répéter. Advenant la déréglementation et l'ouverture des télécoms à la propriété étrangère, il ne faudra pas hésiter à favoriser la création d'un géant canadien, avant que la propriété de nos entreprises ne nous glissent une fois de plus entre les doigts.