C'est sorti comme un cri du coeur à la fin de l'assemblée annuelle de la Banque Nationale du Canada.

C'est sorti comme un cri du coeur à la fin de l'assemblée annuelle de la Banque Nationale du Canada.

«On devrait tirer ensemble plutôt que de tirer sur la Banque Nationale pour tout et pour rien», a dit le président du conseil, Jean Douville, en réponse aux «durs commentaires» adressés aux dirigeants de la banque depuis le début de la crise sur le papier commercial.

Considérant que la Nationale vient d'encaisser le coup le plus dur de son histoire avec une radiation de 575 millions de dollars, les dirigeants de la banque se sont plutôt bien tirés d'affaire hier.

Après un départ sur les chapeaux de roue - Yves Michaud s'est fait huer après en avoir appelé au règlement, et un actionnaire a contesté le président d'assemblée -, l'assemblée s'est déroulée sans anicroche.

Les 20 propositions d'actionnaires ont été présentées et plébiscitées au pas de course.

Ainsi, mis à part une poignée d'actionnaires activistes, pas un seul quidam n'a pris le micro. Affaire classée en moins de quatre heures, ce qui fut nettement plus rapide que l'année dernière.

En fait, c'est à se demander si on peut critiquer la Nationale au Québec. Apparemment non, comme l'a appris à ses dépens Raymond Bachand.

Après avoir évoqué la possibilité de poursuivre la Nationale au nom de la Société générale de financement, qui a acquis pour 137 millions de papier commercial boiteux sur les bons conseils de son banquier, le ministre du Développement économique s'est fait rabrouer par sa collègue aux Finances.

«Si le Québec donne l'exemple, tout le monde va poursuivre aussi», s'est scandalisée Monique Jérôme-Forget.

Le gouvernement du Québec ne le dit pas tout haut, mais il est terrorisé par la perspective que la Nationale soit prise pour cible par un prédateur qui lancerait une offre d'achat non sollicitée.

Après la vente d'Alcan, de BCE et de la Bourse de Montréal, la perte de la «banque des PME» serait un coup insurmontable pour Montréal. À cet égard, Monique Jérôme-Forget couche dans le même lit que Jacques Parizeau!

Or, la Nationale n'a jamais paru aussi fragile. Son action s'est dépréciée de 27% depuis son sommet de la dernière année.

Et l'éventualité que la Banque de Montréal se retire de la réorganisation du marché du papier commercial en détresse (celui, non garanti, vendu par des boutiques indépendantes) n'augure rien de bon.

«Son action est la plus à risque si la restructuration déraille», a écrit André-Philippe Hardy, analyste financier chez RBC Dominion valeurs mobilières.

«En cas d'échec, ce qui est encore hypothétique, il nous reste des alternatives», a dit Louis Vachon vendredi. Interrogé sur ces avenues, le président et chef de la direction de la Nationale a toutefois refusé de «rentrer dans les détails».

Il s'est borné à dire que les institutions financières membres du comité Crawford, qui pilote la restructuration, feraient tout pour éviter le scénario catastrophe, soit la liquidation désordonnée du papier commercial. Mais, clairement, Louis Vachon se croise les doigts derrière le dos.

Avec une telle vente de feu, la Nationale, qui a racheté le papier de ses clients, perdrait gros. Et ses grands clients commerciaux ne récupéreraient qu'une fraction de leur placement. Bonjour les radiations et les poursuites.

Pour l'instant, la plupart des clients de la Nationale sont en mode attente, bien que les mises en demeure et les poursuites commencent à poindre.

Affaiblie, la Banque Nationale dispose d'une protection fort mince contre une OPA non sollicitée. Rappelons que depuis la réforme bancaire pilotée par Paul Martin en 2000, un actionnaire individuel peut acquérir jusqu'à 65% du capital de la Nationale.

Dans une lettre envoyée à l'époque à Bernard Landry, Paul Martin s'était toutefois engagé à ce qu'aucun changement de contrôle ne se fasse sans l'approbation du ministre fédéral des finances. Aujourd'hui, c'est Jim Flaherty.

La Banque Nationale avait adopté en 2001 un régime de protection des droits des actionnaires, une «dragée toxique», comme on l'appelle, pour gagner du temps en cas d'une offre surprise. Mais ce régime a expiré en mars 2004 sans que le conseil de la banque ne le renouvelle.

Propriété pour l'essentiel d'investisseurs institutionnels qui céderont leurs actions au plus offrant, la Nationale ballote au vent. D'autant qu'aucun de ces «zinzins» ne détient plus de 10% de son capital.

La Caisse de dépôt et placement du Québec, on le sait tous maintenant, s'est départie de ses actions de la Nationale. De façon opportune, elle préfère maintenant investir dans la banque CIBC, la délinquante des grandes banques qui lui a offert des actions à prix d'aubaine.

Il n'empêche que c'est tout un jugement de la part de la Caisse, qui dit rechercher le rendement avant tout. S'il y a une institution qui comprend les risques associés à la restructuration du marché du papier commercial non bancaire, c'est bien la Caisse! Bref, le sauvetage, si sauvetage il doit y avoir, ne viendra pas de ce côté.

Le grand patron de la Caisse, Henri-Paul Rousseau, juge que les actions à droit de vote multiple sont utiles pour bloquer les offres hostiles. Mais ce n'est pas le genre de mécanisme qu'on peut instaurer dans une banque qui souffle ses 149 chandelles.

Bref, si le Québec veut protéger la Nationale d'une offre d'achat non sollicitée, il ne lui reste plus beaucoup d'avenues.

À moins, bien sûr, de poser un geste aussi shocking que celui posé par le gouvernement britannique, qui vient d'annoncer la nationalisation de la banque Northern Rock. Ce qui serait fort étonnant d'un gouvernement libéral.

Reste la syndicalisation des caissières des banques de la Nationale!

Cela peut sembler farfelu, mais il faut voir à quel point le milieu financier tient les syndicats en horreur.

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