Il y avait quelque chose d'infiniment triste à écouter Éric Lévesque, président du syndicat des employés de l'information de TQS à Québec.

Il y avait quelque chose d'infiniment triste à écouter Éric Lévesque, président du syndicat des employés de l'information de TQS à Québec.

En marge de l'audience du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) sur la vente du réseau télé, hier matin, cet employé de TQS implorait les détracteurs de Remstar de revenir à la charge avant qu'une décision finale ne tombe de façon exceptionnellement rapide le 26 juin.

Mais, qu'on aime ou non le plan B présenté hier par les frères Rémillard, propriétaires de Remstar, le sort en est jeté. À moins d'un revirement improbable, le CRTC permettra à Remstar de prendre le plein contrôle de TQS.

Dans le nouveau plan présenté hier par Maxime Rémillard, qui a lu son texte d'une voix calme et monocorde, Remstar compte faire une place aux "vraies" nouvelles. TQS y investira entre 3 et 3,5 millions de dollars qui seront puisés à même les dépenses déjà projetées en programmation. Le producteur de films a même accepté in extremis d'en faire une condition de licence.

Et par nouvelle, il n'est plus question ici d'une webcam qui suit la Traversée internationale du lac Saint-Jean à bord d'une chaloupe, pour reprendre l'exemple malheureux du responsable de la programmation de TQS.

Toutefois, ces nouvelles occuperont un tout petit espace, pour ne pas dire minuscule. À Sherbrooke, à Trois-Rivières et au Saguenay, l'engagement de Remstar équivaut à sept minutes et neuf secondes de nouvelles par jour qui seront saupoudrées comme du parmesan sur des émissions locales avec tribune téléphonique et internet.

Même si les patrons de TQS ont refusé de le confirmer hier, ils ont clairement exprimé il y a 10 jours leur intention de faire appel à des producteurs externes dont l'indépendance et l'éthique professionnelle pourraient s'étirer comme un élastique.

Une agence de nouvelles comme Nomade pourrait ainsi soumissionner - ce qui lui permettrait d'ailleurs de dissiper les doutes selon lesquels elle est une mercenaire de l'information créée de toutes pièces pour emplir les pages du Journal de Québec en lock-out!

Des indices de cette approbation à venir, les conseillers du CRTC en ont laissé un peu partout durant cette audience qui a duré trois heures. Le président du Conseil, Konrad von Finckenstein a ainsi déclaré que le CRTC «comprenait la situation de TQS, une entreprise presque en faillite».

Il a ajouté que le CRTC pourrait revoir au bout de trois ans les conditions de licence si TQS avait encore du mal à s'acquitter de ses obligations. Plus conciliant que cela

Ainsi, pour les journalistes qui décryptaient chacun des mots du président du CRTC, Konrad von Finckenstein, l'issue de cette transaction controversée ne fait plus de doute. TQS aura une dernière chance de renaître sous Remstar.

Visiblement, le CRTC en est venu à la conclusion qu'il n'a pas le choix d'approuver le transfert de la licence de Cogeco à Remstar.

Même si un autre acquéreur traîne encore dans le décor, Catalyst Capital Group Inc., un fond d'investissement privé de Toronto, TQS ne survivrait pas aux délais et à l'incertitude, advenant que le CRTC bloque la transaction à moins de trois mois de la cruciale saison télé de l'automne. Déjà, le Conseil s'engage à rendre sa décision d'ici deux semaines, du jamais vu de mémoire de journaliste.

Ce qui ne veut pas dire que le CRTC est enchanté par la proposition de Remstar, loin de là. Si Konrad von Finckenstein a salué d'emblée la «flexibilité démontrée» par Remstar, qui a refait ses devoirs, les conseillers du CRTC sont restés médusés devant le refus obstiné des frères Rémillard d'ouvrir leurs livres. Et cela, même si le CRTC a promis de garder l'information confidentielle.

«Pourquoi est-ce si difficile?» a demandé à deux reprises Konrad von Finckenstein.

«Nos actifs, mon frère et moi, on veut garder cela privé», a fermement répondu Maxime Rémillard.

Pour esquiver cette obligation de transparence, les Rémillard ont créé une nouvelle entreprise, Remstar Diffusion, dans laquelle ils ont versé 20 millions de dollars, mais dont 10 millions de dollars peuvent être repris en un tournemain. Ce qui a provoqué la colère du conseiller Michel Arpin, mécontent de ne pas avoir reçu les états financiers de Remstar et les projections financières détaillées de TQS pour la prochaine année.

«Quand bien même vous me produiriez une lettre d'engagement de 100 millions de dollars, ce n'est pas cela que nous vous avons demandé», a tonné M. Arpin lors d'un échange acerbe.

Mais, à la fin, le CRTC a cédé à son tour en donnant une étonnante porte de sortie aux frères Rémillard. Ils n'auront même pas à ouvrir leurs livres. Juste à produire d'ici lundi soir prochain une «preuve sans équivoque que l'investissement de 20 millions de dollars est fait en équité et que cet investissement est libre de toute forme d'obligation». Pour sauver TQS, le CRTC passe l'éponge sur cette situation hautement inhabituelle.

N'empêche que ce bras de fer au sujet des états financiers nébuleux de Remstar laisse songeur. Qu'est-ce que les Rémillard ont à cacher pour refuser de dévoiler leurs résultats financiers même en toute confidentialité?

Ce n'est pas aux nouvelles de TQS qu'on va l'apprendre.