Si j'étais moins pudique, cette chronique s'intitulerait «le blues de la blonde d'un chroniqueur politique».

Si j'étais moins pudique, cette chronique s'intitulerait «le blues de la blonde d'un chroniqueur politique».

Avec l'élection d'un gouvernement libéral minoritaire à Québec et le maintien précaire d'un gouvernement conservateur minoritaire à Ottawa, il y a des campagnes électorales à perte de vue. Au secours!

Cette perspective d'élections à la chaîne n'enchante pas grand-monde, au premier chef les gens d'affaires. Les dirigeants d'entreprise, c'est bien connu, ont l'incertitude en horreur.

Or, le Québec et le Canada réunis viennent d'atteindre un sommet d'imprévisibilité - bien qu'ils restent à des milliers de kilomètres du Liban ou de l'Italie. Ainsi, cette chronique pourrait tout aussi bien s'intituler «le blues du businessman».

Un gouvernement minoritaire est-il condamné à l'impotence? C'est la conclusion à laquelle en étaient arrivés les chroniqueurs après le règne de 17 mois du premier ministre Paul Martin. Aussi ont-ils accueilli avec un enthousiasme plus que tiède, le soir des élections fédérales du 23 janvier 2006, le remplacement des libéraux par des conservateurs tout aussi minoritaires.

Or, force est de constater que le gouvernement de Stephen Harper s'est révélé étonnamment habile, abstraction faite de ses volte-face en environnement et de sa politique au Proche-Orient.

Le déséquilibre fiscal est pour ainsi dire réglé, même si on n'a pas fini d'en entendre parler, n'en déplaise au ministre des Finances, Jim Flaherty. Le Québec a une place à l'UNESCO. Les fiducies de revenu, qui menaçaient de déformer l'économie, ont perdu les avantages fiscaux qui créaient cet effet de distorsion. Mêmes les grosses cylindrées assoiffées de carburant seront frappées d'une taxe pouvant atteindre 4000 $!

Et si l'élection d'un gouvernement minoritaire était la meilleure chose qui puisse arriver au Québec? Chose certaine, ce n'est pas la fin du monde.

En fait, tout dépend de la façon dont Jean Charest gouvernera durant son deuxième mandat, comme le prouve l'histoire récente à Ottawa.

En se montrant hésitant, sur les fiducies par exemple, Paul Martin a fait perdre un temps fou aux Canadiens. Tandis que les yeux étaient rivés sur le téléroman du Parlement, avec la défection de Belinda Stronach et le rejet très public de son amoureux Peter MacKay, les enjeux d'affaires moisissaient comme des restes oubliés au fond du frigo.

Qui plus est, le ministre des Finances, Ralph Goodale, a été contraint de renoncer aux baisses d'impôt de 4,6 milliards de dollars promises aux entreprises à la suite des pressions exercées par le Nouveau Parti démocratique.

En se montrant déterminé et incisif, par contraste, Stephen Harper a imprimé une nouvelle énergie au gouvernement fédéral. Ainsi, son ministre des Finances a réussi là où Ralph Goodale a échoué et allégé le fardeau fiscal des entreprises dès son premier budget.

Le message de ce gouvernement est limpide: nous ne diluerons pas nos principes; si vous n'êtes pas d'accord, vous n'avez qu'à nous renverser.

Il est vrai que les conservateurs minoritaires se montrent plus populistes qu'ils ne le seraient autrement. Ainsi, il est difficile de croire en la colère de Jim Flaherty lorsqu'il casse du sucre sur le dos des banques au sujet des frais de transactions des guichets automatiques.

Mais il reste que, dans l'ensemble, les conservateurs ont osé prendre des décisions qui s'imposaient, au lieu de balayer les enjeux sous le tapis - même si on peut débattre du bien-fondé d'abaisser de 1 % le taux de la TPS.

Évidemment, les conservateurs ont profité de l'alignement des astres, c'est-à-dire de trois partis d'opposition qui ne souhaitaient pas replonger en campagne électorale.

Il y a fort à parier que ce sera la même chose au Québec puisqu'il appert que le Parti québécois détiendra la balance du pouvoir. Or, avec le règlement de comptes qui s'annonce sanguinaire au PQ à la suite de la contre-performance de son chef, André Boisclair, le parti n'est pas sur le point de remonter dans un autocar de campagne.

Même si les libéraux remportent les élections, le Québec aura un nouveau ministre des Finances. Chez les libéraux, Monique Jérôme-Forget ou Raymond Bachand pourraient succéder à Michel Audet, qui vient de tirer sa révérence. Le futur ministre fera face à Gilles Taillon, l'ancien président du Conseil du patronat et l'un des rares de l'ADQ à pouvoir jouer le rôle de critique aux finances.

Il sera curieux de voir libéraux et adéquistes croiser le fer sur des questions économiques. À bien des égards, leurs politiques sont proches. Par exemple, les deux partis veulent hausser les droits de scolarité pour accroître le financement des universités. Les deux rêvent de stimuler l'investissement privé avec une fiscalité plus concurrentielle et une réglementation allégée.

Les lobbyistes d'affaires qui espéraient que le Parti libéral l'emporte et que l'ADQ détienne la balance du pouvoir seront déçus des résultats d'hier. À la place, les libéraux devront s'entendre avec les péquistes. C'est une association pour le moins inattendue. Mais à Ottawa, on s'est habitué à voir des couples mal assortis depuis trois ans.

Isabelle Hudon, présidente et chef de la direction de la chambre de commerce du Montréal métropolitain, croisait les doigts hier matin pour que les partis travaillent ensemble et que le Québec ne retombe pas en élections dans six mois.

«Le Québec n'est pas une province en surplus budgétaire où tout va bien, dit-elle. Il ne peut pas se payer le luxe d'aller d'élections en élections, de promesses en promesses, sans qu'il y ait de décisions solides.»

Longue vie aux minoritaires! C'est ce que les gens d'affaires aimeraient clamer. Mais il y a un certain Mario Dumont qui a le vent dans les voiles. Il trouvera sans peine les candidats solides et le financement qui lui faisaient défaut. Et il trépignera d'impatience en attendant le prochain round.