La hausse brutale des prix pétroliers est en train de précipiter l'économie québécoise vers une véritable catastrophe.

La hausse brutale des prix pétroliers est en train de précipiter l'économie québécoise vers une véritable catastrophe.

Je ne parle pas des prix à la pompe ni des coûts additionnels pour les entreprises de transport, qui contribuent à faire grimper les prix à la consommation. Tout cela est grave, bien sûr, mais il y a pire: à cause du pétrole, la balance commerciale du Québec se détériore à une vitesse folle.

Traditionnellement, le Québec a toujours affiché un excédent commercial. En 2004, pour la première fois, les importations ont dépassé les exportations. Pas une grosse différence, certes: l'année s'est soldée par un déficit de 578 millions. Par la suite, les choses se sont rapidement détériorées. Le trou a atteint 6,2 milliards l'année suivante, 7,6 milliards en 2006 et un record inquiétant de 10,9 milliards en 2007.

Hier, l'Institut de la statistique du Québec a publié les résultats d'avril. Nous avons donc les chiffres de janvier à avril. Or, uniquement pour ces quatre mois, le déficit frise les 5 milliards.

Le pétrole brut est, de loin, le principal produit d'importation du Québec. À lui seul, il représente 18% de toutes ses importations. Contrairement à une opinion assez largement répandue, le pétrole raffiné au Québec ne provient pas de l'Alberta. Le pétrole albertain approvisionne l'Ouest canadien, mais est surtout destiné au marché américain.

Loin devant tous les autres pays, c'est en Algérie que le Québec s'approvisionne; les livraisons de pétrole algérien sont tellement importantes que ce pays est maintenant le deuxième fournisseur du Québec, tous produits confondus. Les raffineries québécoises achètent aussi du pétrole au Mexique, en Angola, aux Émirats arabes unis et au Venezuela.

Tout ce pétrole est évidemment vendu aux prix du marché.

Quand les prix montent, la facture des importations grimpe en conséquence.

C'est ainsi qu'au cours des quatre premiers mois de 2008, les importations québécoises de pétrole ont atteint 5,1 milliards, une hausse de 21% par rapport aux 4,2 milliards observés au cours de la période correspondante en 2007. À elle seule, l'Algérie a vu ses ventes passer de 1,5 à 2,2 milliards, en hausse de 46%.

Ces escalades reflètent essentiellement les hausses des prix pétroliers, puisque la consommation est demeurée au même niveau.

Les chiffres que nous venons de voir ne tiennent pas compte des développements récents.

Au début de 2007, le prix du baril de pétrole tournait aux alentours de 75$. En janvier 2008, ils avaient atteint 100$; en avril, 120$. Ces hausses, comme on vient de le voir, ont ajouté près d'un milliard au déficit commercial.

Hier, le prix du baril a atteint 142$. Plusieurs experts pensent qu'il pourrait dépasser les 170$ cet été. Les chiffres du commerce extérieur du Québec sont publiés avec un décalage de deux mois. Il faudra donc attendre pour saisir l'ampleur exacte de la catastrophe.

Les importations et les exportations sont sensibles à une foule d'éléments imprévisibles (conjoncture économique, prix des matières premières, taux de change, concurrence internationale), de sorte qu'il est toujours hasardeux de risquer des prévisions à partir des résultats de quelques mois.

N'empêche: au rythme où vont les choses, on risque fort d'apprendre, l'automne prochain, que le trou s'est encore creusé de quelques milliards.

Pendant les quatre premiers mois de l'année, les importations ont grimpé de 1,2 milliard par rapport à l'année précédente, et les exportations ont reculé de 1,8 milliard. Sans contredit, le pétrole est le grand responsable de la hausse des importations, mais il n'est pas le seul coupable de la détérioration de la balance commerciale.

La hausse du dollar canadien, la crise hypothécaire et, de façon plus générale, les difficultés de l'économie américaine, de même que la férocité de la concurrence de la Chine et des autres pays émergents ont toutes contribué à mettre des bâtons dans les roues des exportateurs québécois.

Il est toujours possible de compenser la hausse des coûts pétroliers par des gains de productivité, qui permettent de rester compétitif sur les marchés d'exportation, mais les chiffres montrent que le Québec n'a pas su relever ce défi.

C'est dommage: le dossier du commerce extérieur est intimement lié à notre niveau de vie. Chaque dollar d'exportation contribue à maintenir et créer de l'emploi ici; chaque dollar d'importation contribue à maintenir et créer de l'emploi ailleurs.