«Si tu ne peux pas mordre, ne montre jamais les dents.»

«Si tu ne peux pas mordre, ne montre jamais les dents.»

L'administration Bush aurait dû s'inspirer de ce proverbe chinois avant d'imposer, il y a quelques jours, une surtaxe sur certains papiers importés de la Chine.

La décision, aussi téméraire qu'inattendue, a provoqué des frissons dans les milieux financiers.

Car, malgré leur poids économique énorme, on sait que les États-Unis sont en bien mauvaise posture pour se lancer dans ce qui risque de dégénérer en une guerre commerciale avec l'empire du Milieu.

Rappelons les faits: il y a 10 jours, les Américains surprennent tout le monde en décrétant des taxes compensatoires (10,9 % à 20,4 %) sur le papier couché chinois destiné aux magazines.

Aux yeux de Washington, les producteurs chinois reçoivent des subventions illégales, qui les avantagent indûment par rapport aux entreprises américaines.

Justifiée ou non, la démarche est surtout symbolique. Puisque ces importations représentent moins de 1 % du déficit commercial de 233 milliards US (en 2006) des États-Unis avec la Chine.

De toute évidence, le gouvernement Bush tente ainsi de contenir la colère croissante du Congrès (majoritairement démocrate) à l'égard de la Chine.

Or, ce geste risque de déclencher d'autres revendications de la part d'entreprises américaines – dans les secteurs de l'acier, du meuble et des plastiques notamment – qui souffrent tout autant de la concurrence chinoise.

Évidemment, on dira que la Chine a grandement besoin des États-Unis, et de sa consommation effrénée, pour poursuivre sa croissance. Aussi, Pékin n'a pas intérêt à se mettre à dos son plus gros client.

Il reste que les dérapages sont fréquents dans ce genre de dispute. Et, contrairement à ce qu'on pourrait croire, les États-Unis sont désavantagés étant donné leur dépendance grandissante vis-à-vis de la Chine à plusieurs égards.

Peu de munitions

Entre autres, un conflit commercial risque de faire très mal aux consommateurs et à toute l'économie américaine.

Selon le National Retail Federation (NRF), qui représente les détaillants américains, environ 70 % des chaussures et la quasi-totalité des jouets vendus aux États-Unis proviennent de la Chine. Et les Américains importent 70 % de leurs vêtements, dont un cinquième des usines chinoises.

Si Washington devait sortir l'artillerie lourde et imposer des surtaxes sur tous ces biens, cela entraînera une hausse des prix à grande échelle, prévenait le NRF mardi dernier.

Or, cela serait une catastrophe au plan économique. Car la Réserve fédérale, qui est très préoccupée par l'inflation ces temps-ci, devrait alors hausser les taux d'intérêt pour contenir la poussée des prix. On risque alors de faire basculer une économie, déjà fragilisée, en pleine récession.

Au plan financier, les États-Unis sont également démunis face à la Chine qui, avec des voisins asiatiques, est l'un de ses principaux créanciers. La Chine et le Japon sont en effet les plus grands acheteurs d'obligations américaines.

En fait, les Américains sont lourdement handicapés par un gigantesque déficit de leur compte courant – 857 milliards US en 2006 – lequel mesure l'ensemble de leurs échanges (biens et transactions financières) avec le reste du monde.

Si bien que, chaque jour, nos voisins du Sud doivent emprunter 3,3 milliards US à l'étranger pour combler le trou entre leurs revenus et leurs dépenses.

À l'opposé, la Chine a profité de son boom économique pour accumuler des réserves monétaires de 1070 milliards US. Un butin gigantesque qui leur permettrait de provoquer des remous sur le marché des changes si les choses se corsent.

En somme, la taxe sur le papier chinois est plus un aveu d'échec qu'un coup de semonce de la part de Washington. Ses pressions diplomatiques depuis un an, visant à forcer la Chine à réévaluer sa monnaie (le yuan) afin de rétablir un certain équibilibre commercial, n'ont guère ébranlé Pékin.

Et les marchés financiers ont vite compris qui, du Dragon chinois ou de l'Aigle américain, a le plus à perdre dans cette confrontation. Au lendemain de l'annonce de la surtaxe, le billet vert américain a subi un recul marqué et il reste près d'un creux annuel face à l'euro depuis ce temps.

Heureusement, beaucoup de gens influents veulent éviter que cette escarmouche dégénère.

Le géant Wal-Mart, qui importe des milliards de dollars de biens made in China, a senti le besoin de s'en mêler. « Nous souhaitons une approche équilibrée afin d'encourager des échanges commerciaux plus sains » entre les deux pays, affirmait hier le plus grand détaillant au monde.

Le ton est diplomatique. Mais le message de Wal-Mart aux deux belligérants est clair: on se calme!