Drôle de coïncidence. L'envoi aux actionnaires de la circulaire de sollicitation de procurations sur le regroupement de la Bourse de Montréal avec le Groupe TSX de Toronto coïncide avec la chute marquée des deux titres en Bourse.

Drôle de coïncidence. L'envoi aux actionnaires de la circulaire de sollicitation de procurations sur le regroupement de la Bourse de Montréal avec le Groupe TSX de Toronto coïncide avec la chute marquée des deux titres en Bourse.

Depuis une semaine, le titre du prédateur, le Groupe TSX [[|ticker sym='T.X'|]], a perdu quelque 12% de sa valeur, le titre passant de 52,46$ (haut du 8 janvier) à 46$, hier. Pendant ce temps-là, le titre de la proie, la Bourse de Montréal [[|ticker sym='T.MXX'|]], reculait d'environ 8%, le cours de l'action passant de 39,55$ (haut du 8 janvier) à 36,35$.

En vertu du projet de fusion annoncé le 10 décembre dernier par les hauts dirigeants des Bourses de Montréal et de Toronto, les actionnaires de la Bourse de Montréal se sont fait globalement offrir pour chaque action détenue, soit une somme en espèces de 39$, soit une portion d'action du Groupe TSX (0,7784 action ordinaire).

Comme le titre de la Bourse de Montréal se négocie actuellement à escompte par rapport à l'offre en espèces de 39$, cela laisse présager une méfiance certaine devant l'approbation du projet de fusion entre les deux grandes Bourses canadiennes.

Il est vrai que les marchés ont reculé fortement hier. Mais compte tenu de l'offre sur la table à 39$ l'action, le titre de la Bourse de Montréal devrait présenter plus de résistance, ce qui n'est pas le cas.

Selon la circulaire de sollicitation de procurations qui recommande le regroupement de la Bourse de Montréal avec le Groupe TSX, l'opération de fusion doit recueillir 662/3% des voix exprimées par les actionnaires de la Bourse montréalaise pour être approuvée.

Une assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la Bourse de Montréal se tiendra le 13 février prochain, soit dans un peu moins d'un mois.

Parmi les gros actionnaires de la Bourse de Montréal, on sait que la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui détient un bloc de 8% des actions en circulation, a émis des réserves notamment sur la représentation du Québec au sein du nouveau groupe boursier, soit le Groupe TMX.

Vu son poids physique et moral dans le marché boursier canadien et sa grande influence auprès des investisseurs institutionnels, la Caisse de dépôt et placement du Québec pourrait réussir à rallier à sa cause d'autres importants actionnaires.

Des questions sans réponses

Un rappel important. Dans le communiqué publié le 10 décembre dernier à la suite de l'annonce du projet de fusion des Bourses de Montréal et Toronto, le grand patron de la Caisse, Henri-Paul Rousseau, soulevait une série de questions importantes sur l'intégration de la Bourse de Montréal dans le giron de la Bourse de Toronto.

«En tant qu'actionnaire, nous voulons savoir si la fusion proposée est viable à terme, compte tenu de l'émergence de nombreuses plates-formes compétitives qui accaparent une part de plus en plus grande du marché des actions et compte tenu de la part importante et croissante des entreprises canadiennes qui sont également cotées sur les marchés américains.»

«Ceci est d'autant plus important que le marché des produits dérivés standardisés quant à lui a de bonnes chances de connaître une forte croissance dans les années à venir.»

«De plus, nous nous interrogeons sur les principes et les règles de gouvernance qui s'appliqueront à la nouvelle entité. Quel sera le rôle des représentants québécois au conseil d'administration et au comité de direction? Où se situera le centre de décision?»

«La réponse à ces questions est essentielle et préalable à une prise de position définitive sur ce projet. Enfin, la Caisse veut connaître les intentions des promoteurs sur le développement d'activités à Montréal.»

«Au fil des ans, la Bourse de Montréal a développé une expertise de pointe au niveau de produits dérivés. Nous souhaitons donc connaître les intentions de la Bourse de Toronto à cet égard avant de poursuivre notre analyse. Un débat public s'impose», concluait M. Rousseau.

J'ai demandé au porte-parole de la Caisse, Gilles des Roberts, si M. Rousseau avait obtenu des réponses à ses pertinentes questions. Au moment de mettre sous presse, je n'avais pas reçu de réponse... de la part de la Caisse. L'Autorité des marchés financiers (AMF) tiendra prochainement des audiences publiques sur le projet de fusion des deux Bourses.

Par ailleurs, la circulaire envoyée aux actionnaires de la Bourse de Montréal présente en détails les raisons pour lesquelles le Conseil d'administration de la Bourse montréalaise leur recommande à l'unanimité de voter en faveur du projet de fusion avec le Groupe TSX: avantages concurrentiels accrus; valeur pour les actionnaires découlant d'une prime importante et du potentiel de croissance; avantages pour les marchés financiers du Québec et du Canada; et meilleur positionnement pour le nouveau Groupe TMX au sein du secteur boursier international.

Engagements

Au nombre des engagements que le Groupe TSX entend respecter dans le cadre de sa fusion avec la Bourse de Montréal, on retrouve ceux-ci: Montréal continuera d'être la Bourse nationale canadienne de négociation d'instruments dérivés et de produits connexes et son siège social demeurera à Montréal; des 18 membres du conseil d'administration du Groupe TMX de Toronto, cinq seront (pendant une période de trois ans) désignés par la Bourse de Montréal comme candidats aux postes d'administrateurs; par ailleurs, 25% des candidats aux postes d'administrateur du Groupe TMX seront, sans restriction de temps, des résidents du Québec.

Pour évaluer la pertinence et le «caractère équitable d'un point de vue financier» de l'offre du Groupe TSX à un prix de 39$ l'action (ou l'équivalent en action du TSX), le conseil d'administration de la Bourse de Montréal a mandaté deux firmes, la Financière Banque Nationale et Citigroup Global Markets.

Elles en arrivent à la conclusion que la contrepartie versée aux actionnaires (39$ ou 0,7784 action du Groupe TSX) par suite de la fusion est «équitable».

Pour effectuer leurs vérifications, les deux firmes se sont fiées, disent-elles, à toutes les informations et données financières accessibles au public et aux informations transmises par les hauts dirigeants des deux Bourses.

Fait à noter: ces informations analysées par les deux firmes n'ont fait l'objet, insistent-elles, d'aucune «vérification indépendante» de leur part.

Étonnamment, l'Autorité des marchés financiers m'a confirmé que les mandats de vérification donnés dans le cadre des projets de fusion et acquisition ne sont aucunement assujettis à un cadre réglementaire de la Loi sur les valeurs mobilières.

Dans l'avis qu'elle a transmis au conseil d'administration de la Bourse de Montréal, la Financière Banque Nationale indique que sa maison mère, la Banque Nationale (BN), détient 2 515 429 actions de la Bourse de Montréal (valeur de 98 millions de dollars) et que Louis Vachon, président et chef de la direction de la BN, est également administrateur de la Bourse montréalaise. Il détient un bloc de 30 000 actions.

Qu'à cela ne tienne, personne ne voit de situation de conflit d'intérêts dans l'avis publié par la Financière Banque Nationale.