Le budget que le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, déposera lundi a des chances de mettre un point final au déchirant psychodrame qui oppose Ottawa et les capitales provinciales depuis une douzaine d'années. Tous les ingrédients sont maintenant en place pour un règlement du déséquilibre fiscal (ou, pour employer l'expression plus pudique qui circule à Ottawa, pour «rétablir l'équilibre fiscal au Canada»).

Le budget que le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, déposera lundi a des chances de mettre un point final au déchirant psychodrame qui oppose Ottawa et les capitales provinciales depuis une douzaine d'années. Tous les ingrédients sont maintenant en place pour un règlement du déséquilibre fiscal (ou, pour employer l'expression plus pudique qui circule à Ottawa, pour «rétablir l'équilibre fiscal au Canada»).

Dans les années 90, le gouvernement fédéral se trouvait dans un épouvantable cul-de-sac financier. Pour rétablir ses finances, il a pris plusieurs mesures dont, entre autres, d'importantes compressions dans les transferts aux provinces. À l'époque, le ministre québécois des Finances, Gérard-D. Levesque, avait accusé Ottawa de «pelleter son déficit dans la cour des provinces».

L'expression ne manquait pas de justesse. Une fois l'équilibre atteint, Ottawa a commencé à enregistrer d'énormes surplus budgétaires. Pendant ce temps, les provinces étaient prises à la gorge.

Elles devaient à la fois compter avec les compressions fédérales et une explosion des dépenses de santé. Au Québec, la commission Séguin a démontré, à l'aide de projections réalisées par le Conference Board, que l'écart entre Ottawa et les provinces allaient atteindre des dimensions insensées avec le temps.

Le rapport de la Commission, déposé en 2002, prévoyait que si rien ne changeait, le surplus fédéral atteindrait 88 milliards en 2020, tandis que le Québec pataugerait dans les déficits à répétition.

D'où la célèbre phrase de Bernard Landry: «Les besoins sont à Québec, l'argent est à Ottawa». C'est probablement la définition la plus connue du déséquilibre fiscal.

Les gouvernements de Jean Chrétien et de Paul Martin ont toujours nié l'existence du déséquilibre fiscal, arguant notamment que si les provinces étaient dans le trou, c'était parce qu'elles avaient mal administré leur argent. Malgré cette argumentation simpliste, le gouvernement Martin est parvenu, en septembre 2005, à s'entendre avec les provinces sur une nouvelle formule de financement, mais cela ne corrigeait qu'une partie du problème.

Or, quand il était dans l'Opposition, le chef conservateur Stephen Harper a reconnu que le déséquilibre existait bel et bien, et s'est engagé à le corriger s'il était élu.

En mai 2006, dans son premier budget, le nouveau ministre Jim Flaherty ne s'attaque pas immédiatement au problème, mais profite de l'occasion pour déposer un solide document de 152 pages où il exprime clairement son intention de rétablir l'équilibre.

La volonté politique est donc là.

Les moyens aussi.

Ottawa nage dans l'argent. Pour l'exercice 2006-2007, le ministre prévoyait un surplus de trois milliards. Les résultats les plus récents, ceux de décembre 2006, couvrent donc les neuf premiers mois de l'exercice. Le surplus de cette période ressort déjà à 7,3 milliards. Certes, le dernier trimestre (janvier, février, mars) est traditionnellement déficitaire, notamment à cause des remboursements d'impôts et des ajustements de fin d'exercice.

N'empêche: Ottawa se dirige nettement vers un surplus beaucoup plus élevé que prévu. Cela s'explique par la croissance économique : uniquement au chapitre de l'impôt sur le revenu des particuliers, les recettes sont en avance de sept milliards sur les résultats de l'an dernier.

De son côté, l'impôt des sociétés gonfle les coffres fédéraux de 2,5 milliards. Cette manne compense amplement les 2,3 milliards de manque à gagner attribuable à la baisse du taux de la TPS. Autrement dit, M. Flaherty peut se permettre, lundi, de respecter l'engagement des conservateurs.

D'autant plus que le déséquilibre est beaucoup moins criant qu'il y a quelques années.

Le «pelletage de déficit» a commencé à la fin des années 80, mais le coup le plus dur est survenu en 1995. En deux ans, entre les exercices 1995-1996 et 1997-1998, les transferts aux provinces passeront de 29,9 à 25,8 milliards, une baisse de 14 %. Si on tient compte de l'inflation, la coupure frise les 17 %. Au Québec, les transferts sont passés de 8,1 à 6,9 milliards, une dégringolade de 15 %. Pour des provinces qui parviennent tout juste à joindre les deux bouts, le choc a été terrible.

Or, les dégâts ont été en grande partie réparés. Quand Ottawa a retrouvé l'équilibre budgétaire, les transferts sont repartis à la hausse. Aujourd'hui, ils se situent à 47,5 milliards, une hausse de 84 % depuis le creux de 1998. Même en tenant compte de l'inflation, le rattrapage saute aux yeux.

Il subsiste cependant des problèmes graves. Les dépenses des provinces, toujours à cause de la santé, augmentent plus vite que celles du fédéral. La formule de péréquation demeure injuste, instable et opaque.

Toutes les provinces n'ont pas profité également du rétablissement des transferts. Ainsi, depuis neuf ans, la hausse des transferts fédéraux au Québec n'a atteint que 60 %, contre une moyenne canadienne de 84 % comme on vient de le voir.

Tout n'est donc pas réglé. En déposant son budget, M. Flaherty aura une occasion en or d'enterrer pour de bon un dossier qui empoisonne les relations fédérales-provinciales depuis trop longtemps.