Beaucoup de Québécois ont appris avec surprise, la semaine dernière, que Pauline Marois et son conjoint, Claude Blanchet, habitent un luxueux manoir de 3 M$, au beau milieu d'un vaste domaine de 41 acres.

Beaucoup de Québécois ont appris avec surprise, la semaine dernière, que Pauline Marois et son conjoint, Claude Blanchet, habitent un luxueux manoir de 3 M$, au beau milieu d'un vaste domaine de 41 acres.

Le couple Marois-Blanchet est riche, c'était déjà connu.

Mais qu'il le soit à ce point a visiblement estomaqué bien du monde, du moins si on en juge d'après les lettres sarcastiques et scandalisées publiées dans les tribunes libres.

Vous voulez que je vous dise? À mon avis, ces réactions indignées confirment une chose: les Québécois, beaucoup d'entre eux en tout cas, ont une relation malsaine avec l'argent.

La première fois que j'ai rencontré Pauline Marois, c'était en 1971 à Hull. J'étais jeune journaliste au Droit d'Ottawa, et on m'avait donné comme affectation de suivre les travaux de la commission Morrissette.

Cette commission avait été créée par le gouvernement Bourassa pour enquêter sur la qualité et l'accessibilité des soins de santé dans l'Outaouais. Le secrétariat de la commission avait été confié à une jeune travailleuse sociale de 22 ans, qui agissait également comme responsable des relations de presse.

C'était Pauline Marois. Issue d'une modeste famille de la région de Lévis, elle s'est établie dans l'Outaouais avec son mari Claude Blanchet, lui aussi issu d'un milieu modeste, et qui travaillait à l'époque pour Robert Campeau, promoteur immobilier d'Ottawa qui allait connaître bien plus tard la rapide ascension et la plus rapide chute que l'on sait.

J'ai couvert toutes les audiences de la commision Morrissette, j'ai lu tous les rapports qui lui ont été présentés; toujours, la jeune attachée de presse s'est montrée disponible et ouverte.

En 1978, lorsque j'étais correspondant parlementaire du Montréal-Matin à Québec, j'ai revu Pauline Marois, qui était devenue entre-temps attachée de presse du ministre des Finances Jacques Parizeau.

C'était sans doute le job le plus difficile de la colline parlementaire. Brillant, compétent, flamboyant, M. Parizeau était terriblement exigeant avec son entourage.

Bien avant qu'elle ne devienne un personnage public, je retiens de Pauline Marois le souvenir d'une personne allumée, débrouillarde, bûcheuse infatigable, toute à son travail.

Pendant que Pauline Marois s'occupait de politique, son conjoint Claude Blanchet continuait à travailler pour Robert Campeau. Et il apprenait comment faire de l'argent en achetant et en revendant des terrains.

La première fois que je l'ai rencontré, je crois que c'est en 1975, à L'Île-Bizard (eh oui!). C'était à l'époque un territoire largement inoccupé. M. Campeau venait d'y acquérir un immense territoire et avait l'intention de le couvrir d'unifamiliales. Il avait convoqué une conférence de presse pour annoncer le projet.

En présentant ses plans et ses maquettes, M. Campeau devait d'ailleurs déclencher l'hilarité générale en déclarant: «L'Île-Bizard est une île; comme vous pouvez le constater, elle est entourée d'eau.»

Bon, pas très habile communicateur, peut-être, mais quel pif des affaires! C'était, évidemment, bien avant sa désastreuse aventure dans le commerce de détail aux États-Unis.

Entre-temps, M. Blanchet, devenu bras droit de Robert Campeau, va vite réaliser à son propre compte une petite fortune dans l'immobilier.

En 1981, Mme Marois se lance en politique active; élue députée de La Peltrie, elle accède aussitôt au Conseil des ministres de René Lévesque.

Le couple est alors au début de la trentaine et est déjà multimillionnaire.

Claude Blanchet devient à son tour un personnage public deux ans plus tard. En 1983, Louis Laberge lance le Fonds de solidarité FTQ. Dans toute la mouvance syndicalo-péquiste, Claude Blanchet est à peu près le seul à avoir fait fortune dans le secteur privé, et c'est tout naturellement à lui qu'on fait appel pour devenir le premier président du Fonds.

Tout généreux puissent-ils être, les salaires de ministre, ou de président du Fonds de la FTQ, ou de président de la Société générale de financement (poste que M. Blanchet occupera avec moins de succès qu'à la FTQ) sont largement insuffisants pour assurer le financement d'une propriété de 3 millions, et les frais (taxes, assurances, entretien) qui viennent avec.

Bon. Claude Blanchet a réussi en affaires. Il a fait beaucoup d'argent. Il a acheté un manoir qui correspond à ses moyens, C'est permis, non?

Tout cela ne contrevient à aucune loi et jusqu'à nouvel ordre, ce n'est pas un crime que de profiter de l'argent légitimement gagné. C'est même une bonne chose: plus une société compte de gens riches, plus elle s'enrichit collectivement.

Pourtant, les tribunes libres de ces derniers jours ne dérougissent pas. Que le règne de notre Marie-Antoinette québécoise commence! Dame de la haute! Grande bourgeoise! Le petit Versailles de Pauline!

C'est ce que je disais: une relation malsaine avec l'argent.