L'enquête mensuelle sur la population active nous a appris, vendredi, à quel point le marché québécois du travail est bien plus mal en point qu'il n'y paraît.

L'enquête mensuelle sur la population active nous a appris, vendredi, à quel point le marché québécois du travail est bien plus mal en point qu'il n'y paraît.

Les chiffres de Statisique Canada nous apprennent aussi beaucoup de choses, dont ceci: au Québec, on assiste à un véritable déplacement des emplois des régions vers Montréal.

Depuis un an, l'économie québécoise a créé 41600 emplois. Or, la région de Montréal, c'est-à-dire, selon le découpage administratif du Québec, l'île de Montréal, a créé à elle seule 30600 emplois. Autrement dit, sur quatre nouveaux emplois au Québec, trois sont créés à Montréal même.

Ce n'est pas tout. On compte aussi 6900 nouveaux emplois en Montérégie, et 6700 à Laval, dans les Laurentides et dans Lanaudière. Statistique Canada comptabilise les emplois selon le lieu de résidence, et non selon le lieu de travail. Ainsi, lorsqu'un Lavallois décroche un emploi à Montréal, on considère que cet emploi a été créé à Laval.

Or, même si Laval essaie de se donner des airs de grande ville, il s'agit essentiellement d'une banlieue de Montréal, et son "marché du travail" est, dans les faits, presque totalement tributaire de Montréal. La Montérégie, les Laurentides et Lanaudière englobent de vastes territoires ruraux, mais la majorité de leur population est également composée de banlieusards qui dépendent de Montréal.

Montréal et sa banlieue, ensemble, ont donc créé 44200 emplois en un an. Comme on l'a vu, le chiffre correspondant, pour l'ensemble du Québec, est de 41600. Cela signifie donc que le reste du Québec a perdu 2600 emplois pendant cette période.

Faut-il s'inquiéter du fait que Montréal accapare tous les nouveaux emplois pendant que les régions en perdent?

Ces chiffres confirment ce que tout le monde sait déjà: Montréal est le véritable moteur de l'économie québécoise, et ce moteur tourne assez rondement, merci. Le taux d'activité est le meilleur moyen de mesurer l'état de santé du marché du travail. Pour le calculer, on additionne tous les gens qui occupent un emploi (à temps plein ou partiel), ainsi que tous les chômeurs qui sont activement à la recherche d'un emploi, et on divise ce résultat par la population en âge de travailler. Plus le taux d'activité est élevé, mieux c'est. Or, dans la grande région de Montréal, le taux d'activité ressort à 67,3%, chiffre qui soutient bien la comparaison avec la moyenne canadienne de 67,6 %, ou même avec la riche Ontario (68%). En revanche, dans le reste du Québec, dès que l'on sort de la grande région de Montréal, le taux d'activité baisse à 64,2%, proportion qui se compare à celle du Nouveau-Brunswick (63,8%).

On peut donc dire qu'il y a deux marchés du travail au Québec: Montréal, relativement en bonne santé, et le reste du Québec, qui perd des emplois.

Bonne nouvelle pour Montréal, certes. Mais le portrait est plus inquiétant pour les régions, où la population stagne ou diminue.

Comme on s'en doute, l'exode est surtout alimenté par les jeunes qui viennent chercher des emplois à Montréal, ce qui accélère le vieillissement de la population en région.

Il faudrait toutefois se garder de considérer le "reste du Québec" comme un bloc homogène.

Ainsi, l'Abitibi-Témiscamingue, qui surfe allégrement sur un regain spectaculaire du secteur minier, a créé 5200 emplois depuis un an. Or, la région ne compte que 115500 personnes en âge de travailler. Compte tenu de cette taille démographique, c'est toute une performance. Toutes proportions gardées, c'est comme si l'économie québécoise avait réussi à créer 282000 emplois en un an! Évidemment, il est hasardeux de transposer les chiffres d'une région à l'ensemble du Québec, mais cela donne une idée de la vigueur du marché du travail en Abitibi-Témiscamingue. Comme on s'en doute, le taux d'activité a fait un bond important, passant de 60,8 à 64,9%.

À l'autre bout de l'échelle, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, la région la plus touchée par la crise du bois d'oeuvre, encaisse 4100 pertes d'emploi. Pour une région où la population en âge de travailler n'atteint que 224400 personnes, c'est une véritable tragédie. Le Saguenay - Lac-Saint-Jean est maintenant une des deux régions (l'autre étant évidemment la Gaspésie) où le taux de chômage dépasse 10%.

Parlant des Gaspésiens, Statistique Canada leur apporte une mince consolation. Il y a eu création nette d'emplois en Gaspésie depuis un an. Pas beaucoup, 200 seulement (probablement liés à l'exploitation de l'énergie éolienne), mais création tout de même. N'empêche que le marché du travail gaspésien demeure l'un des plus déprimants au pays. À des fins statistiques, le Canada est divisé en 72 régions économiques. La Gaspésie, pour son taux d'activité, arrive au 71e rang.

Pour ceux que ça intéresse, la 72e est la région de Notre-Dame-Central-Bonavista-Bay à Terre-Neuve, que l'on pourrait difficilement qualifier de modèle.

L'emploi au paysTaux de chômage / Variation en octobre

Québec 7,7% / +7200 emplois

Canada 6,2% / +50500 emplois

Ontario 6,4% - 1800 emplois

Alberta 3% / +22600 emplois

Sources: Statistique Canada, calculs de l'auteur

Création d'emplois au Québec depuis un anMontréal 30 600

Montérégie 6900

Laval, Laurentides, Lanaudière 6700

Montréal métro 44 200

Reste du Québec 2600

TOTAL QUÉBEC: 41 600

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