Le dollar canadien est maintenant à parité avec le dollar américain.

Le dollar canadien est maintenant à parité avec le dollar américain.

Or, de ce côté-ci de la frontière, plusieurs consommateurs s'étonnent de voir que les prix aux États-Unis sont nettement plus bas qu'au Canada. Comment cela se peut-il? En principe, si les deux monnaies ont la même valeur, les prix pour des produits identiques devraient être les mêmes des deux côtés de la frontière, non?

Dans ces conditions, on peut comprendre l'indignation de certains. Vendredi, dans La Presse, un porte-parole d'Option Consommateurs affirmait que les gens se faisaient avoir et réclamait des «explications publiques», rien de moins, aux détaillants.

En fait, il s'agit d'un grand coup d'épée dans l'eau. Avant d'accuser les détaillants (ou les grossistes, ou les importateurs), il faut savoir que le taux de change et les prix sont deux choses totalement différentes.

Vrai, les taux de change influencent les prix; lorsque le huard monte par rapport au dollar américain, les importations en provenance des États-Unis coûtent moins cher, et le contraire est aussi vrai.

Mais cela ne signifie aucunement que la parité des deux monnaies doit se traduire par des prix identiques, pour la bonne raison que les prix seront toujours plus bas aux États-Unis, parité ou pas. C'était vrai dans les années 60 et 70, alors que les deux monnaies valaient à peu près la même chose, et c'est encore vrai aujourd'hui.

Cet écart est dû à de nombreux facteurs, mais on peut facilement en énumérer quatre.

Le premier saute aux yeux: c'est la taille des deux marchés. Vous êtes un fabricant, disons, de balles de golf. Un détaillant passe une commande de 100 boîtes. Vous lui faites un prix de 25$, ce qui inclut évidemment votre profit de 5$ la boîte. Vous réalisez donc un profit de 500$.

Et voici que Wal-Wart vous demande quel prix vous pouvez lui faire pour une commande de 50 000 boîtes. Pour obtenir un aussi beau contrat, vous n'hésiterez pas à réduire votre prix de vente à 21$, ce qui vous laisse quand même un joli profit de 50 000$. Wal-Mart a pu obtenir un meilleur prix à cause de son volume. À une échelle beaucoup plus grande, c'est le même principe qui s'applique aux marchés canadien et américain.

Les dépenses des consommateurs américains atteignent 8,9 billions (près de neuf mille milliards) de dollars; les dépenses des consommateurs canadiens, 740 milliards, 12 fois moins.

Juste pour cette raison, même avec la parité des deux monnaies, les prix seront toujours plus bas aux États-Unis.

Ce n'est pas tout. La productivité aux États-Unis est nettement supérieure à celle du Canada. Une des mesures de productivité les plus classiques consiste à diviser la valeur de la production par le nombre d'heures travaillées.

Selon ce calcul, les Américains produisent 48,30$ par heure travaillée, contre 38,50$ au Canada.

Autrement dit, si votre usine de balles de golf est située aux États-Unis, vous produirez 20% de balles de plus pour le même coût. Encore ici, juste pour cette raison, les prix seront toujours plus bas aux États-Unis.

Il y autre chose. Le fardeau fiscal global (impôt sur le revenu, impôt des sociétés, taxes à la consommation, contributions sociales, impôts foncier) est plus lourd au Canada.

Toutes proportions gardées, l'Américain moyen paie 26% de moins d'impôts que le contribuable canadien. Vous êtes un détaillant américain de balles de golf, et vous les vendez 30$ la boîte, pour un profit de 5$.

Sur ce montant, le fisc va prélever 1,30$. Mais si votre magasin est situé au Canada, l'impôt passe à 1,70$. Pour préserver votre marge bénéficiaire, vous devrez augmenter votre prix de vente en conséquence. Le cas des vins et spiritueux est particulièrement éloquent.

La bouteille de vin californien que vous payez 20$ à la SAQ ne coûte que 10$ aux États-Unis, à cause de la taxe d'accise fédérale, de la taxe provinciale sur l'alcool, et de la marge bénéficiaire de 100% de la SAQ, un monopole d'État.

Juste à cause du fardeau fiscal plus lourd, parité ou pas, les prix seront toujours plus bas aux États-Unis.

Parlons maintenant du transport. Point n'est besoin de faire ici une longue démonstration. Par définition, lorsque vous importez des produits, vous devez intégrer le coût du transport au prix de vente.

Et ces coûts, avec la flambée des prix pétroliers, ne sont pas près de descendre. Encore ici, parité ou pas, les coûts de transport font inévitablement que les prix seront toujours plus bas aux États-Unis.