Le ministre fédéral des Finances, James Flaherty, souhaite la mise en place d'une unique commission des valeurs mobilières pancanadienne, regroupant ainsi les 13 réglementations disparates actuellement appliquées par autant de gouvernements provinciaux et territoriaux.

Le ministre fédéral des Finances, James Flaherty, souhaite la mise en place d'une unique commission des valeurs mobilières pancanadienne, regroupant ainsi les 13 réglementations disparates actuellement appliquées par autant de gouvernements provinciaux et territoriaux.

Pourquoi créer un seul organisme des valeurs mobilières canadien? Pour permettre au Canada de devenir plus efficace en matière de protection des investisseurs et de surveillance des marchés boursiers.

À vrai dire, on en a bien besoin. À preuve, l'agence Bloomberg rapportait hier que des transactions inhabituelles (lire gros volume d'actions échangées et forte hausse de prix) avaient été repérées dans les semaines qui avaient précédé 33 des 52 fusions d'entreprises intervenues au Canada en 2006.

Étonnamment, aucun délit d'initié n'a été trouvé de la part des commissions de valeurs mobilières. Ce qui fait dire au vénérable gestionnaire de portefeuille Stephen Jarislowsky qu'il n'y a pas de «véritable surveillance» des marchés au Canada, un endroit où les «délits d'initiés se produisent continuellement».

Si le Canada fait figure de «passoire» en matière de délits d'initiés, c'est notamment à cause de l'absence d'une commission des valeurs mobilières centralisée et forte, comme c'est le cas aux États-Unis avec la SEC (la Securities and Exchange Commission).

Les Canadiens détiennent collectivement quelque 2000 milliards de dollars en diverses valeurs mobilières, telles des actions, des parts de fonds communs de placement, des unités de fiducies de revenu, des obligations négociables, etc. Et comme la moitié des Canadiens possède, directement ou indirectement, soit des actions ou des parts de fonds communs, c'est bien la moindre des choses que le pays se protège le mieux possible contre les délits d'initiés et les scandales financiers.

Mais il y a loin de la coupe aux lèvres pour le ministre Flaherty. Le principal obstacle à la création d'un seul organisme centralisé de réglementation des valeurs mobilières au Canada vient du gouvernement du Québec, qui s'oppose farouchement au démantèlement de l'Autorité des marchés financiers et de sa juridiction québécoise sur les valeurs mobilières au profit d'un organisme pancanadien.

Tous les partis politiques québécois tiennent mordicus à ce que le Québec conserve ses pouvoirs en matière de valeurs mobilières. Pas question de céder un pouce dans ce dossier.

Aussi logique et urgente soit-elle, une unique commission des valeurs mobilières pancanadienne ne pourra voir le jour. La seule solution qui reste au ministre Flaherty? Créer une commission pancanadienne sans le Québec. Point à la ligne.

La commission pancanadienne chapeautera à ce moment-là tout le commerce des valeurs mobilières qui se pratique dans ses provinces et territoires, exception faite du Québec. Pour sa part, le Québec continuera d'exercer sur son territoire ses pleins pouvoirs sur le commerce des valeurs mobilières.

En passant, le contrôle du marché financier canadien est déjà assumé en grande partie à l'heure actuelle par la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. Comme la Bourse de Toronto est assujettie à sa surveillance, cette commission ontarienne réglemente à elle seule plus de 80 % de la capitalisation boursière canadienne.

Quoi qu'il en soit, pour peu qu'il y ait de la bonne volonté de la part du prochain gouvernement du Québec, celui-ci harmonisera sa réglementation sur les valeurs mobilières avec celle du nouvel organisme pancanadien, si jamais celui-ci devait être créé.

Évidemment, il y aura un coût supplémentaire à assumer par le gouvernement du Québec pour ce dédoublement de fonctions en matière de valeurs mobilières. Mais c'est le prix à payer pour conserver son autonomie. On en a tout de même l'habitude. Exemple: notre système des deux déclarations de revenu.

Malheureusement, ce sont les investisseurs qui sont les grands perdants de ce refus du Québec de ne pas intégrer les rangs du futur organisme pancanadien.

Actuellement, le commerce des valeurs mobilières au Canada doit composer avec des lois fragmentées et complexes. Il faudrait que les normes de gouvernance d'entreprise soient appliquées plus rigoureusement.

Alors que le commerce des valeurs mobilières se mondialise à la vitesse de l'éclair, il est difficile pour les Canadiens d'acheter des titres étrangers. Et d'autre part, il est difficile pour les investisseurs étrangers d'investir au Canada. Le libre-échange entre le Canada et les États-Unis dans le commerce des valeurs mobilières c'est embryonnaire.

En quoi un organisme commun de réglementation des valeurs mobilières améliorait-il, selon le ministre Flaherty, notre marché boursier?

Un tel organisme permettrait de rehausser l'efficience de la réglementation, ce qui contribuerait à améliorer la protection des investisseurs, à réduire la paperasserie, à diminuer les coûts pour les participants au marché.

Il renforcerait l'intégrité des marchés, grâce à l'application de normes de gouvernance élevées, à une exécution plus stricte de la loi, à l'utilisation de meilleures ressources pour lutter contre la fraude sur les marchés de capitaux, à une collaboration plus étroite avec les autorités provinciales et à la nomination d'un conseiller expert supérieur auprès de la Gendarmerie royale dans le but d'accroître l'efficacité des équipes intégrées de la police des marchés financiers.

Une unique commission des valeurs mobilières faciliterait, selon le ministre Flaherty, la mise en place d'une sorte de libre-échange des valeurs mobilières notamment avec les États-Unis. Ce qui permettrait aux investisseurs canadiens d'accéder à un plus vaste marché et à la Bourse canadienne d'attirer des émetteurs étrangers pour lancer des nouveaux appels publics à l'épargne.

Présentement, quelque 3800 entreprises sont inscrites à la cote des Bourses canadiennes, comparativement à 5100 du côté des États-Unis. Comme la grande majorité des entreprises canadiennes sont plus petites que les américaines, il va sans dire qu'un accès plus facile aux titres des sociétés américaines aiderait les investisseurs canadiens à diversifier davantage leurs portefeuilles.

Le ministre Flaherty a pleinement raison de promouvoir la création d'un SEC canadienne.

Mais cela restera un voeu pieux.