Les cachotteries de la Caisse de dépôt et placement du Québec ne datent pas d'hier. Les parlementaires et les journalistes s'en plaignent régulièrement. Mais en n'informant pas le Québec du congé de maladie de Richard Guay, son nouveau président et chef de la direction, l'institution financière dépasse les bornes.

Les cachotteries de la Caisse de dépôt et placement du Québec ne datent pas d'hier. Les parlementaires et les journalistes s'en plaignent régulièrement. Mais en n'informant pas le Québec du congé de maladie de Richard Guay, son nouveau président et chef de la direction, l'institution financière dépasse les bornes.

D'entrée de jeu, notons qu'il fallait être drôlement naïf, ou avoir une confiance excessive en sa capacité à contrôler l'information, pour penser qu'une nouvelle comme celle-là ne finirait pas par s'ébruiter. Même si Richard Guay peut déambuler incognito rue Sainte-Catherine, même si le bonhomme n'est pas aussi reconnaissable que son grand prédécesseur, Henri-Paul Rousseau, une absence du bureau de tout près d'un mois, en pleine crise financière, aurait fini par se savoir.

Bref, comme il était éminemment prévisible que la nouvelle se saurait, la Caisse aurait mieux fait de prendre le taureau par les cornes et d'annoncer la nouvelle d'elle-même.

Questionnée sur l'état de santé de Richard Guay, la Caisse a préféré taire la nature exacte du mal qui afflige son président de 47 ans. «C'est une information qui relève de la vie privée», dit Mark Boutet, vice-président communications de la Caisse.

L'argument ne tient pas la route. Dans ce cas-ci, il est assez facile de savoir où tracer la ligne entre la vie privée et la vie publique. Que Richard Guay couche avec qui il veuille, on n'en a rien à cirer. Mais qu'il soit incommodé au point de s'absenter du bureau pendant un mois, alors que la Caisse traverse une tempête comme aucun journaliste économique ne se souvient d'en avoir connue, c'est une information hautement significative ou "material", pour reprendre le jargon financier.

Pis, ce silence maladif ouvre la porte à toutes les spéculations. Quand on apprend qu'un dirigeant est «fatigué» et qu'il a été «mis au repos par son médecin», tout le monde conclut naturellement au surmenage.

Personne ne s'en étonnerait, d'ailleurs. Voilà plus d'un an que la Caisse est aux prises avec la crise du papier commercial, crise qui n'a pas encore connu son dénouement, puisque les nouveaux titres de dettes à long terme qui doivent remplacer le papier commercial vicié ne se transigent pas encore.

Cette crise n'est pas terminée que le diable s'empare des marchés boursiers. Au moment où j'écris ces lignes, l'indice phare de la Bourse de Toronto a perdu 44% de sa valeur depuis son sommet de juin!

Or, Richard Guay ne peut pas blâmer son prédécesseur. Non seulement il était là, mais il avait la charge de répartir les investissements de la Caisse entre les différentes catégories d'actif. Il supervisait 14 des 18 portefeuilles de la Caisse, soit tout sauf l'immobilier et les placements privés. À ce titre, il était ultimement responsable du portefeuille des placements du marché monétaire, où se trouvent 13,4 milliards de dollars de papier commercial non bancaire.

C'est Richard Guay qui devra justifier publiquement le rendement de la Caisse en 2008. On stresserait à moins!

Est-ce vraiment du surmenage? Ou est-ce que ce sont des ennuis cardiaques, comme le veut une rumeur qui court à l'interne? Il ne s'agit pas de maladies égales, compte tenu des préjugés tenaces envers les maladies mentales.

Si les problèmes cardiaques attirent la sympathie, le surmenage est souvent perçu comme une faiblesse. Il ne résiste pas à la pression, entend-on. Ou encore on répète ce fameux dicton: «If you can't stand the heat, stay out of the kitchen.» Même si c'est parfaitement injuste, Richard Guay devra vivre avec ce stigmate. Plusieurs douteront de sa capacité à diriger la Caisse.

Mark Boutet affirme que le Québec n'a pas à se soucier du mystérieux mal qui afflige Richard Guay parce que le président de la Caisse reviendra en poste le 10 décembre. Le hic, c'est que personne ne peut en être certain. Et puis, un mois, c'est très long compte tenu de tout ce qui se passe en ce moment. Par exemple, Richard Guay ratera au moins une réunion du conseil d'administration.

La Caisse de dépôt et placement du Québec, faut-il le rappeler, n'est pas une binerie. C'est une institution qui gère un actif totalisant près de 258 milliards de dollars. Il y a 25 fonds et régimes de retraite qui lui ont confié leurs avoirs, dont le plus important est celui des fonctionnaires du gouvernement.

Bien sûr, la Caisse n'est pas inscrite en Bourse. Ainsi, elle n'est pas légalement tenue d'informer le Québec des ennuis de santé de son président, de la même façon que Rogers Communications a récemment informé ses actionnaires de l'hospitalisation de Ted Rogers.

Mais le caractère quasi public de la Caisse et le rôle que cette institution joue au Québec exigent une transparence nettement plus grande.