La société montréalaise Mega Brands est aussi amochée qu'un petit jouet en plastique de mauvaise qualité qu'on aurait laissé dans un CPE entre les mains d'une bande de bambins déchaînés.

La société montréalaise Mega Brands est aussi amochée qu'un petit jouet en plastique de mauvaise qualité qu'on aurait laissé dans un CPE entre les mains d'une bande de bambins déchaînés.

Est-ce que cela se répare?

À l'évidence, certains investisseurs croient que oui. Le titre de Mega Brands a gagné plus de 9% hier à la Bourse de Toronto, pour finir la journée à 2,90$. L'action reste toutefois à des années-lumière de son sommet de 29,74$ touché en mars 2006.

Il y avait des grenailles de bonnes nouvelles dans les résultats financiers autrement moches dévoilés hier les analystes financiers n'ont rien gagné à les attendre pendant une semaine.

Mega Brands a enregistré une perte nette de 3,6 millions US au deuxième trimestre, alors qu'à pareille date l'an dernier, elle encaissait un profit de 4 millions de dollars américains. Cette perte s'explique notamment par un recul de plus de 12% des ventes, à 106,4 millions US.

Consolation, le créateur de jouets s'est entendu avec ses assureurs, qui lui rembourseront 9,3 millions de plus. Ainsi, Mega Brands récupérera en grande partie les sommes déboursées en 2006 pour dédommager les familles des enfants qui ont ingéré des aimants qui s'étaient détachés des jeux Magnetix un garçon en est mort. Au total, les chèques des assureurs s'élèveront à 12,9 millions sur des réclamations de 15,5 millions, en incluant les frais d'avocats.

Autre consolation, bien que fort mince pour les actionnaires actuels qui seront fortement dilués par l'arrivée éventuelle de la société Fairfax Financial au capital de Mega Brands: le refinancement de 75 millions de dollars canadiens est officiellement bouclé.

«Nous sommes parfaitement conscients que les actionnaires sont mécontents, a noté Marc Bertrand, président et chef de la direction de Mega Brands, lors d'une téléconférence hier. Mais compte tenu du fait que nos liquidités s'épuisent, je suis convaincu que c'était la meilleure chose à faire.»

La dette à long terme de Mega Brands s'élevait à 331 millions US au 30 juin; c'est l'héritage de l'achat désastreux de Rose Art, en 2005.

Ce refinancement permettra à Mega Brands de souffler. Sans ces fonds, l'entreprise aurait eu du mal à payer ses fournisseurs chinois à la veille de la ruée des achats de Noël, la saison la plus importante de l'année.

En effet, si tous les fabricants chinois de jouets ont relevé leurs prix en raison de la hausse du coût de la main-d'oeuvre et des matières premières, ils ont durci le ton avec Mega Brands parce qu'ils doutaient de sa capacité de payer. Les factures de Mega Brands ont gonflé de près de 10%, a révélé hier Marc Bertrand, et l'entreprise montréalaise est contrainte de les acquitter plus rapidement qu'auparavant.

Grâce à ce refinancement, Mega Brands n'aura pas à précipiter la vente de sa division papeterie, grâce à laquelle l'entreprise pourrait récolter plus de 200 millions US. Cette transaction tarde à se concrétiser à la veille d'une rentrée scolaire ternie par le ralentissement de l'économie. Les acheteurs pressentis veulent connaître les derniers résultats de ventes.

Marc Bertrand se voulait rassurant hier. "De meilleurs jours sont devant nous", a-t-il dit.

Si le dernier chèque des assureurs créera une embellie au troisième trimestre, il reste que le redressement de Mega Brands est loin d'être acquis.

Le retour de cette "darling" québécoise dépend du succès de ses quatre nouvelles gammes de jouets, qui arrivent sur les tablettes des détaillants plus tardivement que par les années passées. Il s'agit des jeux Legends, Struxx, Smart Builders et MagNext, le jeu de construction à aimants redessiné qui succède à Magnetix.

Mega Brands doit aussi revoir ses façons de faire. L'entreprise a identifié des économies annuelles de 12 millions de dollars qui commenceront à se faire sentir au troisième trimestre. Mais le créateur de jouets doit repenser toute l'organisation de sa production.

En ce moment, le quart de ses jouets est fabriqué à Montréal, alors que le reste est produit par une collection de 50 fournisseurs dans la province chinoise du Guangdong. Les usines de Mega Brands sont sous-utilisées, bien que le créateur de jouets refuse de révéler leur taux d'emploi exact.

Les problèmes de sous-traitance en Chine ont fait l'objet de nombreux reportages ces derniers temps. Clairement, la délocalisation en Chine a atteint ses limites, avec les arrêts de production liées aux pannes de courant, la hausse des salaires et l'explosion des coûts de transport par bateau.

Est-ce que l'entreprise profitera du repli du huard pour rapatrier une partie de sa production à Montréal? Ce serait souhaitable, même si rien ne l'annonce. Les bureaux et l'usine montréalaise, où sont fabriquées les petites briques Mega Bloks et d'autres pièces qui ne nécessitent aucune peinture, emploient entre 600 et 700 salariés; ils en comptaient 900 à la fin de 2007, si l'on se fie aux articles publiés l'an dernier.

C'est le nouveau chef de l'exploitation, Anthony Bazan, qui planche sur cette réorganisation. Actuellement, il passe plus de la moitié de son temps à visiter des usines en Chine.

Même si Montréal ne gagne pas au change, il faut souhaiter que Mega Brands fasse le ménage dans ses fournisseurs tout en instaurant un contrôle de la qualité plus rigoureux, autant dans la conception de ses jouets que dans leur assemblage. Quand on vend des jouets aux enfants, la qualité ne peut souffrir aucune inattention.

En excluant les dédommagements aux victimes de Magnetix, les rappels de jouets ont coûté près de 70 millions US à Mega Brands en 2006 et en 2007. Avec de tels débours, les fameuses économies chinoises se volatilisent. Pis, le nom Mega Brands est maintenant entaché.

Mega Brands peut reconstruire sa bonne réputation. Mais cela se fera brique par brique.