La crise américaine du crédit est en train de contaminer les marchés immobiliers les plus vulnérables, donc les plus surévalués, comme ceux d'Angleterre et d'Irlande.

La crise américaine du crédit est en train de contaminer les marchés immobiliers les plus vulnérables, donc les plus surévalués, comme ceux d'Angleterre et d'Irlande.

Le crédit se fait plus rare, les prix des maisons chutent... Bref, la situation se complique sérieusement pour les proprios britanniques.

Dans une étude parue mercredi dernier, l'agence Standard&Poor's (S&P) y allait de cette sombre prédiction: l'immobilier en Europe va subir des «corrections sévères et douloureuses» cette année, particulièrement en Angleterre, en Irlande et en Espagne.

Le marché britannique, faut-il le rappeler, a connu un boom impressionnant depuis 10 ans, tant aux plans de la construction que des prix des maisons. Ce terreau fertile a d'ailleurs attiré les spéculateurs immobiliers du monde entier.

Or, le royaume d'Élisabeth II est actuellement secoué par trois chocs simultanés: après son envolée des dernières années, le marché immobilier est surévalué d'environ 30%, estime aujourd'hui le Fonds monétaire international; les tensions sur le marché du crédit s'accentuent et les taux hypothécaires grimpent; enfin, les acheteurs sont devenus très frileux, redoutant un ralentissement de l'économie.

Les prix

Le prix moyen d'un logement au Royaume-Uni a plus que triplé depuis le milieu des années 1990, passant de 50 000 livres (100 000$CAN) il y a 12 ans à 180 000 livres (360 000$CAN) aujourd'hui, selon le prêteur immobilier Nationwide. À Londres, il faut payer plus d'un million de dollars pour un minuscule logement dans un quartier chic.

Mais Halifax, le numéro un des prêts hypothécaires, a sonné l'alerte la semaine dernière: les prix ont chuté de 2,5% en mars dans l'ensemble du Royaume-Uni. National Building, un autre acteur immobilier, enregistre cinq mois de baisse consécutive et estime que les prix stagnent en rythme annuel.

L'immobilier britannique craque donc de partout, alimentant les comparaisons avec ce qui se passe aux États-Unis. «La longue période faste se termine», a déclaré à l'agence AFP Jean-Michel Six, économiste chez S&P.

Un prêt SVP!

Avec la crise du crédit qui s'éternise, les ménages britanniques peinent à emprunter à des conditions abordables. Ce qui fait craindre un retournement brutal du marché immobilier.

À la suite du fiasco des prêts subprime aux États-Unis et de la chute de la banque Northern Rock, les banques britanniques, qui ont vu leurs coûts de financement grimper en flèche, ont resserré brusquement les cordons de leur bourse.

First Direct, une filiale du géant HSBC, a cessé temporairement la semaine dernière d'accorder des prêts immobiliers aux nouveaux clients, sous prétexte qu'elle ne peut suffire à la demande.

Cette banque, accessible uniquement par téléphone et par l'internet, dit avoir reçu dernièrement cinq fois plus de dossiers qu'en temps normal. First Direct, qui offre des taux parmi les plus bas sur le marché, compte 1,2 million de clients au Royaume-Uni.

Simultanément, la banque Natwest, sa société-mère Royal Bank of Scotland et la société Kent Reliance ont relevé de 0,25% les taux s'appliquant à leurs clients qui avaient souscrit des emprunts à taux variables (à 6,45% pour les deux premières années et 7,59% pour la dernière).

C'est la première fois que des prêteurs immobiliers relèvent les taux de leurs clients existants depuis l'an dernier. L'explication: les tensions persistantes sur le marché du crédit ont accru le coût du financement.

Le taux Libor à trois mois (taux auquel les banques britanniques se prêtent mutuellement de l'argent) était à 6,01% la semaine dernière, soit 0,75% au-dessus du récent taux directeur de la Banque d'Angleterre. Avant la crise du crédit, l'écart entre les taux interbancaires et le taux directeur ne dépassait pas 0,20%.

La Banque d'Angleterre a beau fournir des liquidités au système bancaire depuis des semaines, les marchés demeurent très inquiets, selon des courtiers.

Aussi, la banque centrale anglaise est revenue à la charge, jeudi, en abaissant d'un quart de point - à 5% - son taux directeur dans l'espoir d'atténuer les pressions sur le crédit et de prévenir une récession.

Il s'agit d'une troisième baisse des taux depuis décembre. Reste à voir comment les marchés financiers réagiront au cours des prochains jours, même si des banques disent qu'elles veulent abaisser les taux variables.

Une contagion

Entre-temps, la contagion américaine continue de s'étendre.

Même le vigoureux Tigre celtique est atteint. Selon S&P, les prix des maisons en Irlande - le champion de la croissance européenne durant les années 90 - devraient baisser de 6% cette année. C'est beaucoup et c'est inquiétant.

Vraisemblablement, l'expression «home sweet home» a perdu beaucoup de son charme dans les îles britanniques.