Assis dans son bureau ensoleillé, au 10e étage de l'édifice de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Pierre Brunet arbore un sourire aussi généreux que sa personne. Il faut dire que le président du conseil de la Caisse est l'homme le plus courtisé en ville.

Assis dans son bureau ensoleillé, au 10e étage de l'édifice de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Pierre Brunet arbore un sourire aussi généreux que sa personne. Il faut dire que le président du conseil de la Caisse est l'homme le plus courtisé en ville.

Pour ceux qui ne le savent pas encore, c'est Pierre Brunet qui préside le comité qui sélectionnera le prochain chef de la direction de la Caisse, l'employé de l'État le plus puissant après le premier ministre du Québec.

«Je reçois plein de téléphones. Évidemment, ce n'est jamais la personne elle-même qui m'appelle, c'est toujours une relation!» raconte-t-il en riant.

Ce comptable est blagueur, mais Pierre Brunet ne badine pas avec la mission délicate qui vient de lui tomber dessus sans crier gare. Gérer une institution dont l'actif total sous gestion s'élève à 258 milliards de dollars, ce n'est pas donné à tout le monde.

Et comme la crise du papier commercial l'a amplement démontré, la Caisse n'est pas un long fleuve tranquille.

«Il y a beaucoup de gens qui sont prêts à jouer dans la Ligue nationale, dit Pierre Brunet. Mais nous, on veut un Crosby ou un Gretzky.»

Le processus est d'ailleurs plus dépolitisé qu'il ne l'a jamais été auparavant. C'est la première nomination depuis que la loi constitutive de la Caisse a été amendée en 2004, pour améliorer les pratiques de gouvernance de l'institution. Ainsi, les rôles sont inversés. Ce n'est plus Québec mais bien le conseil d'administration de la Caisse qui nomme le président et chef de la direction «avec l'approbation du gouvernement».

Ce qui ne veut pas dire que le premier ministre Jean Charest et la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, n'influenceront pas le comité en y allant de suggestions bien appuyées! Mais ces candidatures, qui s'ajoutent à une «longue liste», sont étudiées en fonction de la grille d'analyse du comité de sélection.

Ce comité se compose de sept administrateurs. Outre Pierre Brunet y siègent Yvan Allaire, Alban D'Amours et Claude Garcia, tous présidents de comités, André Trudeau et Jocelyne Dagenais, représentants de déposants, de même que la syndicaliste Claudette Carbonneau.

La grille d'analyse des candidats découle du profil que ce comité de sélection a esquissé. Voici en exclusivité le portrait-robot du président, que Pierre Brunet surnomme la «description de Dieu le Père». «Familier avec l'ensemble des enjeux financiers typiques d'une caisse de retraite, il en maîtrise certains aspects particuliers. Doté d'un leadership de premier plan démontré dans des organisations comparables à la Caisse, le candidat est un excellent communicateur, tant au sein de son organisation qu'avec des parties prenantes externes. Le candidat possède une fine connaissance des enjeux socio-économiques et politiques du Québec.

«Il possède une expérience avérée de transactions et de partenariats à caractère international. () La personne choisie doit apparaître légitime et crédible pour les parties prenantes de la Caisse. Elle doit par sa réputation et son style de leadership s'imposer à l'équipe de direction.»

À écouter Pierre Brunet, toutefois, l'expérience internationale ressemble plus à un atout qu'à une condition préalable. Le premier critère de sélection, c'est la connaissance des produits financiers. «Le candidat n'est pas obligé d'avoir un doctorat en maths, mais il doit avoir une connaissance de l'ensemble des produits financiers, dont les produits dérivés», précise le président du conseil.

Mais la «personnalité» compte tout autant aux yeux de Pierre Brunet. Ainsi, il est primordial que le futur président «soit capable de s'exprimer et de faire face au public».

Pierre Brunet note que nombre de PDG sont incapables de s'exprimer en public. «Mais bon, si c'est la seule chose qui accroche, on n'est quand même pas au cinéma: ce n'est pas un acteur qu'on recherche!»

On aurait pu croire que c'est Henri-Paul Rousseau qui faisait du président de la Caisse un excellent orateur. Mais son successeur devra partager les talents de pédagogue de l'ex-professeur.

D'autant que le futur président de la Caisse doit encore «vendre» la nouvelle mission de la Caisse. Depuis 2004, le développement économique du Québec est subordonné au «rendement optimal du capital des déposants». Or, avec la vente d'Alcan, entre autres transactions inquiétantes, cette mission ne suscite toujours pas l'adhésion de la population, comme un sondage l'a récemment confirmé à la Caisse.

«Il faut mettre en place un programme d'information pour mieux faire comprendre la mission de la Caisse, dit Pierre Brunet. La pire expression qu'on puisse employer, c'est le «bas de laine des Québécois», qui laisse croire que l'on peut piger là-dedans et faire n'importe quoi, à fonds perdus.»

Autre défi du prochain président, la réflexion sur le prochain plan stratégique, à l'automne. Pierre Brunet ne prévoit toutefois pas de virage à 180 degrés, puisque le prochain président devra s'inscrire dans la «continuité».

C'est d'ailleurs pour réduire l'incertitude après une année mouvementée que la Caisse espère choisir son président avant la date butoir du 31 août que le comité de sélection s'est donnée. «On agit avec une certaine diligence», dit Pierre Brunet.

Le comité de sélection s'était déjà réuni deux fois avant notre rencontre, mercredi. Sa liste de candidats, une liste double qui comprend les candidats intéressants et les candidats intéressés, est fort longue. «Mais lorsque ton article sera publié, la liste sera déjà pas mal plus courte», a laissé tomber Pierre Brunet, en référence à la troisième réunion du comité, tenue depuis.

Ainsi les candidats «intéressants» n'expriment pas tous de l'intérêt pour le poste de président de la Caisse lorsque la firme de chasseurs de tête Egon Zehnder International les sonde.

Un Dominic D'Alessandro, cet autre ex-président de la Laurentienne (!) qui vient d'annoncer sa retraite de Manuvie, accepterait-il de diminuer sa rémunération et de rendre des comptes à des députés pour le «plaisir» de diriger la Caisse? Une Monique Leroux peut-elle abandonner le Mouvement Desjardins après avoir arraché tout récemment la présidence au sixième tour de scrutin?

Qui figure encore sur la liste abrégée de la Caisse? En passant des coups de fils à droite et à gauche, les collègues de La Presse Affaires se sont amusés à dresser leur propre liste de candidats - au risque de se couvrir de ridicule.

Notre top 7? Christiane Bergevin, Luc Bertrand, Gordon Fyfe, Jean Houde, Jacques Ménard, Réal Raymond et Michel Tremblay.

Le candidat idéal, selon la Caisse

«Familier avec l'ensemble des enjeux financiers typiques d'une caisse de retraite, il en maîtrise certains aspects particuliers. Doté d'un leadership de premier plan démontré dans des organisations comparables à la Caisse, le candidat est un excellent communicateur tant au sein de son organisation qu'avec des parties prenantes externes. Le candidat possède une fine connaissance des enjeux socio-économiques et politiques du Québec.

Il possède une expérience avérée de transactions et de partenariats à caractère international. Le candidat manifeste une grande énergie physique et mentale et maîtrise parfaitement le français et l'anglais. La personne choisie doit apparaître légitime et crédible pour les parties prenantes de la Caisse. Elle doit, par sa réputation et son style de leadership, s'imposer à l'équipe de direction.»