Peut-être avez-vous lu la très intéressante entrevue accordée par Abdou Diouf au correspondant de La Presse à Paris, Louis-Bernard Robitaille, juste avant de prendre l'avion pour participer à la Conférence de Montréal.

Peut-être avez-vous lu la très intéressante entrevue accordée par Abdou Diouf au correspondant de La Presse à Paris, Louis-Bernard Robitaille, juste avant de prendre l'avion pour participer à la Conférence de Montréal.

Le personnage n'est pas le premier venu: premier ministre du Sénégal de 1970 à 1981, puis président jusqu'en 2000, il a été élu secrétaire général de l'Organisation internationale de la francophonie en 2002.

Le nom de M. Diouf a connu une certaine célébrité au Canada l'an dernier, lorsque des douaniers un peu trop zélés de l'aéroport de Toronto, ignorant qui il était, l'ont soumis à une humiliante fouille corporelle.

La Francophonie regroupe 55 pays membres, dont la moitié en Afrique. Sa prochaine réunion aura lieu à Québec l'an prochain.

Avec une telle représentation de pays pauvres, il ne faut pas s'étonner si les sommets de l'organisation, dans le passé, ont largement tourné autour des misères du tiers-monde, de la répartition des richesses, de l'aide internationale, et bien sûr, des dangers de la mondialisation avec en prime les incontournables dénonciations de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international (FMI) et de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), les trois bêtes noires des altermondialistes.

Or, voici que M. Diouf (qui a mené toute sa longue carrière politique sénégalaise avec le Parti socialiste) tient un discours fort différent.

La mondialisation, tant décriée en certains milieux, est un phénomène à la fois «inéluctable et nécessaire», pense-t-il. À condition, bien sûr, qu'elle «ne serve pas à aggraver les inégalités entre le Nord et le Sud».

Or, justement, des organisations comme la Banque mondiale, le FMI ou l'OMC peuvent jouer un rôle utile. Ce coup de chapeau, en particulier au FMI, peut sembler surprenant.

Pourtant, le FMI a considérablement évolué depuis quelques années. Pendant longtemps, le Fonds était considéré comme le gendarme de l'ordre financier international.

Il ne s'est pas gêné pour rappeler des gouvernements à l'ordre, intervenir dans les affaires de pays souverains et imposer ses recettes. Au fond, le credo du FMI pouvait se résumer à ceci: «on se fout que vous provoquiez une catastrophe sociale, l'important est de régler votre déficit et on va vous dire comment faire».

Approche dogmatique qui a effectivement provoqué un certain nombre de catastrophes. Aujourd'hui (et notamment depuis le mandat de Michel Camdessus), le FMI n'est plus le garde-chiourne des années 70 et 80.

«On a compris qu'il fallait discuter et négocier des réformes à opérer avec les gouvernements concernés», constate M. Diouf.

En abordant la question avec La Presse, le secrétaire général de la Francophonie ne fait que refléter une évolution dont les médias ont peu parlé.

M. Diouf est un des 200 conférenciers invités à la Conférence de Montréal. La qualité et le nombre des intervenants font de la Conférence un événement majeur de l'actualité économique internationale. On peut s'attendre à de nombreuses et éclairantes réflexions, comme celle de M. Diouf.

Plus de 3200 participants provenant de cinq continents sont inscrits. Parmi les conférenciers, on peut remarquer Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne, Rodrigo de Rato, directeur général du FMI, James Heckman, prix Nobel d'économie, David Dodge, gouverneur de la Banque du Canada, Kamal Nath, ministre indien du Commerce et de l'Industrie, Jaap de Hoop Scheffer, secrétaire général de l'OTAN, Haruhiko Kuroda, président de la Banque asiatique de développement, et je pourrais continuer la liste longtemps.

L'initiative de la Conférence de Montréal revient à Gil Rémillard, qui fut ministre dans le cabinet de Robert Bourassa de 1988 à 1994. Cette époque est marquée par une série de développements d'une ampleur inouïe: effondrement du régime soviétique en 1990, signature du traité de Maastricht en 1992, création de l'OMC en 1993, création de l'ALENA en 1994. Tous ces événements laissaient entrevoir des bouleversements socioéconomiques comme le monde n'avait pas encore vu.

En 1995, après son retrait de la vie politique, M. Rémillard décide de mettre sur pied un forum où les économistes, politiciens, administrateurs publics, gens d'affaires, financiers et universitaires du monde entier pourraient discuter de la nouvelle donne de l'économie.

C'est ainsi qu'est née la Conférence de Montréal, qui en est à sa 13e présentation cette année, et qui est devenue le plus important forum du genre en Amérique du Nord.

L'événement se poursuit jusqu'à jeudi et promet d'offrir de nombreuses interventions captivantes. Je vous invite, chers lecteurs, à suivre la couverture étendue que vous proposeront mes collègues de La Presse Affaires au cours des prochains jours.