Les excès du crédit ont créé une bulle immobilière aux États-Unis, qui s'est transformée en grave crise bancaire. Or, le crédit facile fait toujours des victimes dans le monde, surtout dans les pays émergents.

Les excès du crédit ont créé une bulle immobilière aux États-Unis, qui s'est transformée en grave crise bancaire. Or, le crédit facile fait toujours des victimes dans le monde, surtout dans les pays émergents.

«Goodbye cash». Voilà le slogan que le Groupe Aduno, important émetteur de cartes de crédit en Suisse, utilise pour vendre sa MasterCardPayPass.

Une petite merveille. La «carte de crédit la plus rapide du monde», au dire d'Aduno.

Pour des achats inférieurs à 40 francs suisses (39 $ CAN), l'utilisateur n'a plus besoin d'insérer sa carte à puce dans un terminal. Il suffit de l'approcher d'un lecteur électronique et la transaction est enregistrée. Swouchhhh! Même pas besoin de signature.

Et les commerçants adorent ça. Selon Aduno, la valeur moyenne des transactions augmente de 22% dans les commerces convertis au système par rapport au paiement comptant. Le message est clair: plus c'est facile de payer, plus les gens dépensent.

Cette technologie a franchi les frontières de la douce et prospère Suisse. Des systèmes similaires à celui d'Aduno se répandent en Asie, en Grande-Bretagne, aux États-Unis et dans plusieurs pays où le crédit à la consommation se réinvente constamment.

Entre-temps, la carte de crédit traditionnelle - une invention américaine datant de 1950 - poursuit elle aussi ses conquêtes dans les économies en forte croissance.

La Turquie à crédit

La Turquie, qui a connu une période de prospérité exceptionnelle ces dernières années, prend goût aux cartes de crédit à un rythme effarant.

Il y a une trentaine d'années, on dénombrait moins de 10 000 cartes en circulation dans ce pays situé à la frontière de l'Europe et de l'Asie. Le New York Times écrivait récemment que ce nombre dépasse maintenant les 38 millions. Dans cette foulée, les consommateurs turcs ont accumulé un solde impayé de 19 milliards CAN avec leurs cartes, soit six fois plus qu'il y a cinq ans.

Dans un pays où l'endettement personnel est vu comme une chose dégradante qui déshonore la famille, les médias locaux multiplient depuis quelque temps les histoires de personnes endettées qui commettent des gestes de désespoir: vols, suicides, meurtres, etc.

Mais cela n'arrête pas la machine du crédit, qui poursuit son avancée dans les économies émergentes.

En Asie, en Amérique latine et en Europe de l'Est, la valeur des transactions payées par cartes de crédit augmente annuellement de 20 à 30%, selon l'agence Bloomberg. C'est plus de deux fois le taux de croissance enregistré par Visa et Mastercard aux États-Unis.

Le désastre coréen

Évidemment, on dira que la prolifération des cartes de crédit témoigne du rattrapage économique des pays émergents. Mais il faut aussi rappeler que le crédit-plastique non balisé a donné lieu aux pires excès dans le passé. Et non seulement aux États-Unis.

La Corée-du-Sud a récemment péché en ce sens.

Stimulées par la déréglementation et la concurrence, les banques coréennes ont émis 148 millions de cartes de crédit au début des années 2000... dans un pays qui compte 49 millions d'habitants. Du vrai délire, selon tous les baromètres financiers.

Chez les jeunes

Les banques ont ainsi inondé les Coréens, souvent des jeunes de moins de 18 ans, d'offres de cartes sans frais bonifiées d'une généreuse avance de liquide. Une proposition difficile à refuser.

La catastrophe annoncée s'est rapidement concrétisée en 2003. Le taux de délinquance liée aux cartes de crédit en Corée-du-Sud a alors atteint 28%. Les faillites personnelles se sont multipliées et l'économie s'est arrêtée.

Durant les deux ou trois années suivantes, des émetteurs de cartes ont fait faillite et le gouvernement a dû voler à la rescousse de certains d'entre eux. Un immense gâchis.

Malgré tout, le crédit continue son petit bonhomme de chemin. Le géant américain Visa vient d'annoncer des bénéfices en hausse de 41%, sur un an, pour le troisième trimestre de son exercice.

Ces résultats surpassent largement les attentes. Le secret de cette réussite: des gains importants en Asie, en Afrique, au Moyen-Orient et en Amérique latine, s'enorgueillit Visa dans un communiqué.

Quant au marché américain, il est devenu «un environnement difficile», a simplement résumé le géant financier. Pour l'autopsie de cet autre gâchis, il faudra attendre...

On vient de commémorer le premier anniversaire de la crise du crédit aux États-Unis.

Cette débâcle a été causée par trois dérapages majeurs: une croissance économique artificiellement gonflée, un modèle bancaire dangereux et un cadre réglementaire déficient.

Les pays émergents vont-ils éviter les mêmes pièges? En cette ère du «goodbye cash», il est permis d'en douter.