Quelle surprise! Alors que les actionnaires broyaient du noir à la suite de la retenue des derniers dividendes, de la déprime de l'action en Bourse et de l'incertitude planant au-dessus du projet de vente, voilà que BCE et le consortium de Teachers' accouchent finalement d'une «entente finale» et ce, au prix initialement prévu de 42,75$ l'action.

Quelle surprise! Alors que les actionnaires broyaient du noir à la suite de la retenue des derniers dividendes, de la déprime de l'action en Bourse et de l'incertitude planant au-dessus du projet de vente, voilà que BCE et le consortium de Teachers' accouchent finalement d'une «entente finale» et ce, au prix initialement prévu de 42,75$ l'action.

Chapeau à Michael Sabia, le grand architecte de la vente de BCE au groupe dirigé par Teachers'. Force est d'admettre que le président et chef de la direction de BCE a réussi un tour de force en scellant l'entente à un prix nettement au-dessus des attentes des analystes boursiers. Alors que les plus optimistes avançaient un prix maximum de 38$ l'action, les moins pessimistes anticipaient au mieux un prix de vente dans les 33$ l'action.

Et il faut croire que les gros gestionnaires de portefeuille des caisses de retraite et des fonds communs d'actions n'étaient guère plus optimistes que les analystes des maisons de courtage puisque le titre de BCE a clôturé jeudi à 35,15$. Lorsqu'il s'agit d'un titre d'une grande société comme BCE, où il y a plus de 800 millions d'actions en circulation, ce sont les gestionnaires de portefeuille qui ont une emprise sur la valeur d'un tel titre en Bourse. Les petits investisseurs n'ont aucun impact sur le prix de l'action en Bourse.

En conséquence, si l'action de BCE ne se négociait jeudi que dans les 35$, c'est tout simplement parce que les grands gestionnaires de portefeuille des caisses de retraite et fonds communs d'actions évaluaient que le titre de BCE ne valait pas plus cher dans les circonstances actuelles.

Il faut dire que les embûches furent nombreuses sur le chemin de la privatisation de BCE. Il y a tout d'abord eu ce long branle-bas de combat survenu à la suite de la contestation en cour des détenteurs d'obligations à long terme de BCE. Ces derniers voulaient forcer l'acquéreur de BCE à racheter leurs obligations. Après une première victoire en Cour supérieure, BCE subissait un échec en Cour d'appel, pour ensuite gagner sa cause devant la Cour suprême.

Autre obstacle costaud à franchir dans le dossier de la privatisation de BCE: la forte baisse de la plupart des marchés boursiers à la suite du krach du papier commercial que le marché hypothécaire américains des subprimes (hypothèques à risques élevés) a provoqué.

Un an plus tard, la fabuleuse crise de crédit sévit toujours un peu partout dans le monde. Celle-ci a entraîné dans son sillon une magistrale déconfiture du côté des titres des grandes banques, et ce, à l'échelle de la planète.

Pis encore, les grandes institutions bancaires en ont été quittes pour déclarer des dizaines et des dizaines de milliards de pertes. Les institutions bancaires de par le monde sont devenues particulièrement frileuses devant le financement des grandes fusions et acquisitions d'entreprises. Voilà pourquoi les analystes des maisons de courtage et les gestionnaires de caisses de retraite et de fonds communs croyaient dur comme fer que le consortium de Teachers' et ses banquiers allaient essayer de renégocier à la baisse le prix d'achat de BCE.

Et pour étoffer l'hypothèse de la renégociation à la baisse de l'achat de BCE, tout ce beau monde se fiait sur le cas de Clear Channel Communications: les banques impliquées dans le financement de l'acquisition de Clear Chanel avaient réussi, elles, à faire abaisser le prix d'achat.

Pas plus tard que lundi dernier, The Globe and Mail, selon ses «sources près des négociations», affirmait que les banquiers de Teachers' souhaitaient que la valeur de BCE soit réévaluée à la baisse.

Après avoir atteint un sommet de 41,80$ à la suite de l'annonce initiale en juin 2007, l'action de BCE était redescendue il y a quelques mois seulement sous la barre des 32$.

À la suite de l'annonce de «l'entente finale», le titre de BCE a rebondi hier tout près de la barre des 40$. On notera que le titre se négocie tout de même à prix d'escompte (rabais de 2,75$ ou 7%) par rapport au prix officiel d'acquisition de 42,75$ l'action.

Comment explique-t-on cet escompte?

En Bourse, dans le cadre des grandes fusions et acquisitions de sociétés, rien n'est jamais acquis tant et aussi longtemps que la transaction n'est pas totalement réglée et l'argent versé aux actionnaires. L'escompte de 2,75$ équivaut, si l'on veut, au doute qui persiste encore concernant la privatisation de BCE.

Oui, la haute direction de BCE vient d'annoncer qu'elle avait conclu une «entente finale» avec Teachers et ses partenaires. Oui, les ententes de financement et de crédit sont signées avec les banquiers.

Alors, où est le problème? La clôture de la transaction n'est prévue que dans quelques mois, soit «le ou avant le 11 décembre 2008».

Ainsi, il reste encore une certaine inquiétude. D'ailleurs, il est important de rappeler que l'indemnité de rupture a été renégociée à 1,2 milliard de dollars au cas où la transaction finale achopperait...

Et à la fin du communiqué de BCE annonçant ladite «entente finale», on retrouve la «Mise en garde» suivante:

«Le moment et la conclusion de la transaction proposée de transformation de BCE en société fermée sont assujettis au respect par chacune des parties de ses engagements en vertu des documents de transaction, ainsi qu'à certaines modalités et conditions, y compris, mais sans s'y limiter, les modalités, et certains droits de résiliation mis à la disposition des parties, inclus dans l'entente définitive datée du 29 juin 2007, dans sa version modifiée par l'entente finale datée du 4 juillet 2008, régissant les conditions de la transaction. Les conditions de la transaction, y compris le maintien des approbations requises des autorités anti-trust, pourraient ne pas être remplies conformément à leur intention et/ou les parties à l'entente définitive pourraient exercer leurs droits de résiliation et, dans une telle éventualité, la transaction proposée de transformation de BCE en société fermée pourrait être modifiée, restructurée ou résiliée, selon le cas. L'incapacité de conclure la transaction proposée pourrait avoir une importante incidence défavorable sur le cours des actions de BCE.»

Tenez-vous-le pour dit.