À 16 ans, Ariane Fortin commençait à boxer à Lévis. Elle avait vu un film sur la boxe féminine et avait trouvé ça cool. En 2004, elle remportait une médaille d'argent aux Championnats du monde (70 kilos), perdant en finale devant une Russe... en Russie.

La jeune Québécoise décide alors de poursuivre ses études «à temps partiel» et déménage à Montréal pour travailler sous les ordres de Mike Moffa, boxeur de la Petite Italie, réputé entraîneur, médaillé canadien aux Jeux du Commonwealth.

 

«En 2006, raconte Moffa, les Championnats mondiaux avaient lieu en Inde et on s'était préparé pour la Russe. Ariane l'a démolie et a remporté la médaille d'or...»

Le mois dernier, à Mingbo en Chine, Ariane Fortin répétait l'exploit en défaisant une Chinoise en finale.

Moffa: «Deux Championnats du monde de suite et une victoire contre la fille de la place, il n'y a pas de chance là-dedans. Je trouvais le score un peu trop serré après la première ronde. Je me demandais ce qu'il fallait faire pour gagner. Mais en deuxième et en troisième rondes, je n'étais plus inquiet. Ariane dominait complètement, elle a été très convaincante. Ils ne pouvaient pas nous voler le championnat.»

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Le gymnase de Mike Moffa se trouve à l'angle de Saint-Laurent et Sainte-Catherine, dans notre petit Red Light à nous. Hier, la salle était pleine. Des amateurs qui se préparent pour les Championnats canadiens à Trois-Rivières du 23 au 27 janvier, le pro Antonin Décarie... et Ariane Fortin, championne du monde. Les gars la saluent tous avec respect.

En entrevue, Ariane est tout à fait souriante et de bonne humeur. Elle revient de vacances à Québec où elle a profité de la bonne table. «Oui, oui, j'ai pris du poids, mais ça va aller.»

N'insistons pas. Soyons un gentleman...

«J'étais un peu bum quand j'étais jeune. Je ne faisais rien de grave, mais je fumais et je n'étais pas sérieuse. Ma mère n'aimait pas tellement que je fasse de la boxe, mais quand elle a vu que j'arrêtais de fumer et que je prenais mon sport à coeur, elle n'a plus rien dit. Elle ne regarde toujours pas mes combats en direct. Les vidéos lui suffisent.»

Ariane côtoie parfois Lucian Bute, qu'elle admire beaucoup. «Il a tout pour la boxe. Le cerveau, le physique, l'habileté, la vitesse, la détermination... Et puis, c'est un gaucher, comme moi! Lucian est tellement gentil. Toujours doux et poli. Vous remarquerez que les meilleurs athlètes sont des gens positifs. Ceux qui dégagent du négatif ne durent pas longtemps en général.»

Moffa: «Ariane n'a pas un énorme talent, mais elle a un peu de tout dans un ring. Elle a surtout trois choses fondamentales: la volonté, la discipline, le goût du sacrifice. Et puis, elle est intelligente.»

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Ariane Fortin étudie le français à l'Université Laval. «J'aimerais enseigner le français aux immigrants, mais je veux profiter de ma carrière en boxe avant. C'est très intéressant, les voyages sont magnifiques. Je pense que je vais faire un deux ou deux combats professionnels avant de tout abandonner...»

Moffa: «Il n'y a encore rien pour les filles en boxe professionnelle. Elles gagnent plus d'argent chez les amateurs parce qu'elles ont droit aux bourses du Canada et du Québec. Les boxeurs amateurs sont mieux traités que nous à l'époque, Aujourd'hui, nous n'avons plus d'excuses.»

Et l'adaptation à Montréal, mademoiselle de Lévis?

«Ça se passe bien. Au début, bien sûr, ça a été un peu dur. Mais j'aime avoir un dépanneur au coin de la rue où m'acheter de la bouffe tard le soir. À Lévis, je n'avais jamais connu ça. Je ne connaissais à peu près personne à Montréal, sauf Mike. Je l'avais rencontré dans des tournois. Je venais pour lui. Et la gang du gym est très sympatique. Tous du bon monde. Ma mère les connaît maintenant, elle n'est pas inquiète.»

Après l'entraînement, Ariane monte dans la voiture de Mike Moffa. Les deux sont voisins dans le quartier Villeray. Père de trois enfants, Moffa se comporte comme un grand frère avec Ariane.

«Quand je pars pour le gymnase, dit-il, je n'ai qu'à cogner à la porte voisine et Ariane est prête...»

Un beau duo.

 

Photo: Martin Chamberland, La Presse

Intelligente, Ariane Fortin affiche la volonté, la discipline, le goût du sacrifice propres aux bonnes boxeuses.