Depuis longtemps, au Québec, le mot n'a plus aucune actualité, aucune signification pratique. En somme : zéro crédibilité. À l'oreille des plus vieux, le mot «péché» rappelle des odeurs d'encens, des réminiscences de sermons fastidieux et la pénombre du confessionnal. À celle des plus jeunes, il n'évoque... à peu près rien.

Pourtant, ce mot porte tout un bagage de sagesse millénaire qui, à l'origine, n'a rien à voir avec les religions constituées. En particulier le christianisme, bien sûr, qui a scrupuleusement cartographié le péché. Mais probablement moins, tout de même, que les autres fois monothéistes, lesquelles sont allées beaucoup plus loin dans l'interdit codifié : dans leurs versions extrêmes, elles réglementent encore aujourd'hui les détails les plus triviaux de la vie quotidienne - il existe, paraît-il, une manière vertueuse de déféquer!

Bref, la notion de péché est fondamentalement différente des autres grandes admonestations du christianisme, tombées - pour la plus grande joie de tous - en désuétude. Les 10 commandements de Dieu, par exemple, venus d'en haut, ont cessé d'avoir la moindre importance pour qui n'est pas chrétien et pratiquant.

Le concept de péchés capitaux est probablement apparu peu après la conscience d'exister, qui fait de l'être humain une espèce unique sur la planète.

Ce concept désigne essentiellement ceux qui, parmi les instincts et les mobiles de l'Homme, ont pour conséquence d'entraîner le mal, personnel ou social. Le monsieur des cavernes (et sa charmante épouse des cavernes) a sûrement très tôt identifié ceux qui, parmi ses comportements impulsifs, concouraient à la destruction de sa propre existence et de la société embryonnaire dont il faisait partie.

De ce moment, cette connaissance, en fait très terre-à-terre, s'est construite.

C'est par la suite que la religion a pris la balle au bond et codifié dès le IVe siècle les huit « passions » néfastes. Après révision, elles ont été ramenées à sept au XIIIe siècle. Au début de 2007, la boutique des péchés du Vatican a revu à nouveau son inventaire et créé des péchés «modernes» : générer de la pollution, favoriser l'injustice, participer au trafic de la drogue, travailler à la manipulation génétique. On voit l'effet de mode : au même moment, au Québec, un sondage (Léger Marketing/Journal de Montréal) dégageait une tendance populaire voulant que, désormais, l'injustice, la corruption et l'hypocrisie constituent ensemble un huitième péché capital.

Or, de la même façon que la guerre est une chose trop sérieuse pour être laissée aux militaires, et la politique aux politiciens, le péché capital est un penchant humain trop lourd de conséquences pour être abandonné au caprice des religieux... et des sondeurs.

En cette période d'accalmie dans la fureur de la vie ordinaire, il peut être instructif - et amusant! - de prédire l'avenir des péchés capitaux.