Impossible de le rater. Pendant six mois, Nicolas Sarkozy aura occupé la présidence de l'Union européenne en déployant toutes les qualités et les défauts qu'on lui connaît. La flamboyance d'un paon, la rouerie d'un avocat d'affaires et la frénésie agitatoire qui font qu'on l'aime ou le déteste, rien entre les deux.

Cependant, si tant est que la présidence en forme de portes tournantes d'un continent économiquement disparate et politiquement inachevé puisse avoir un sens, Sarkozy lui en aura donné un.

 

Sa nature même l'a fait plonger sur l'occasion qui se présentait: le vide laissé par l'effondrement de la diplomatie américaine, dont la crédibilité et la force de persuasion ont été hachées menu par l'administration Bush. Sarkozy y a vu une chance pour l'Europe (et pour lui-même) de gagner une pointure sur la scène internationale.

Même le quotidien Le Monde a applaudi sa performance. Il a été «finaliste» au titre de personnalité de l'année du magazine Time, titre que Barack Obama lui a honorablement soufflé.

Et qu'applaudit-on, au juste?

D'abord, la façon dont Sarkozy a géré deux crises: celle de la guerre en Géorgie et celle de la finance. Ensuite, deux initiatives qui ouvrent des pistes: l'enfantement de son bébé, le «Club Med», cette union de 43 pays riverains de la Grande Bleue qui, contre toute attente, tient à peu près debout; et le début du commencement d'une plateforme militaire commune avec l'envoi d'unités navales au large de la Somalie. Enfin, des succès relatifs en matière d'immigration, de politique agricole et d'environnement.

Ce n'est pas trop de dire que Sarkozy a un peu changé l'Europe, même si ce n'est parfois que cosmétique.

Mais lui aussi a changé, pour devenir encore plus insaisissable. Est-il simplement brouillon, comme on le lui reproche? Ou plus fin renard qu'on le croyait, ce qu'on lui reproche également? Ainsi, c'est lui, l'homme dit de droite, qui devient l'apôtre le plus tonitruant d'une réforme du capitalisme. C'est lui, «Sarko l'Américain», qui ouvre les bras à l'OTAN... mais qui, aussi, jette un froid dans les relations franco-allemandes et fait mine de se rapprocher des Russes - serait-il un néo-gaulliste, après tout, à la recherche de la position médiane?

Bling bling.

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Hier, le Parlement européen tenait sa dernière séance de 2008. Et on y envisageait 2009 avec inquiétude.

La présidence de l'Union européenne revient dorénavant à la République tchèque, en effet. Or, celle-ci est gouvernée par une coalition fragile et son président, Vaclav Klaus, se définit lui-même comme un «dissident de l'Europe» - il a déjà comparé le drapeau de l'Union à celui de l'ex-URSS!

C'est ainsi équipée que l'UE affrontera des élections en juin, un deuxième référendum irlandais sur le traité constitutionnel et... le retour des États-Unis sur la scène internationale avec un nouveau président que la planète entière a déjà plébiscité.

Nicolas Sarkozy est certes malcommode et bruyant. Mais il se peut qu'à Strasbourg, on s'ennuie vite de lui.