Après s'être entraîné comme un forcené pendant trois mois en vue du premier combat de championnat du monde de sa carrière, un boxeur a le choix: il devient soit survolté, soit zen. Jean Pascal appartient visiblement à la seconde catégorie.

Couvé étroitement par son entourage depuis son arrivée à Nottingham, où il affrontera samedi l'Anglais Carl Froch pour le titre vacant des super-moyens du WBC, le boxeur québécois ne se laisse pas démonter par l'adversité. Quand un rapide aller-retour vers une ville voisine, où il devait subir un examen de résonance magnétique de routine, hier, s'est transformé en épopée de plusieurs heures en raison de la météo peu clémente, Pascal n'a pas joué à la diva: il s'est contenté de piquer un roupillon dans la voiture.

Il fait bien de se reposer maintenant. Il aura besoin d'être parfaitement éveillé quand il montera dans le ring avec Froch (23-0-0), un boxeur de 31 ans né et élevé à Nottingham qui obtient finalement sa chance de briller au firmament de la boxe, après plusieurs années dans l'ombre de l'ancien champion incontesté de la division, Joe Calzaghe, récemment passé chez les mi-lourds.

Invaincu en 21 combats (14 K.-O.), Pascal n'a pas beaucoup boxé à l'extérieur du Québec chez les professionnels. Une seule fois, en fait. C'était lors de son dernier combat, il y a 11 mois déjà, en Floride: une victoire par décision unanime contre Omar Pittman, ternie toutefois par un septième round au cours duquel le boxeur américain l'avait clairement ébranlé.

Mais ni sa longue inactivité, causée par une blessure (aujourd'hui guérie) à l'épaule droite qui l'a handicapé à ses trois derniers combats, ni la perspective d'affronter Froch devant une foule hostile, au Trent FM Arena, ne semblent inquiéter le boxeur de 26 ans, considéré comme le négligé par les preneurs aux livres.

«Je me sens comme dans mes bonnes années de boxe amateur, quand je voyageais avec une grosse équipe autour de moi. Ce combat de championnat, c'est un peu comme un combat Canada-Angleterre. Je me sens bien et en plus je ne me sens pas dépaysé, parce que l'Angleterre ressemble un peu à Montréal. Tout est sous contrôle.»

Il faut dire que Pascal a déjà vaincu un Anglais devant ses partisans: à Manchester, lors des Jeux du Commonwealth de 2002, il avait battu Paul Smith, de Liverpool, pour gagner la médaille d'or.

Le boxeur québécois devra toutefois se méfier de Froch, qui a des enclumes à la place des poings et compte 19 mises hors de combat à sa fiche. Un seul moment d'inattention pourrait lui valoir un sort semblable à celui d'un autre membre de l'écurie GYM, Joachim Alcine, déchu de son titre de champion des mi-moyens de la WBA d'un seul coup de poing de Daniel Santos, l'été dernier.

À la différence d'Alcine, Pascal a fait ses devoirs et a étudié attentivement les bandes des combats précédents de son adversaire, en compagnie de son entraîneur Marc Ramsay. «Froch n'a pas un style classique», souligne Ramsay, qui a visionné une quinzaine des 23 combats de celui qu'on surnomme le Cobra. «Il garde les mains basses et il est un peu hypocrite: il aime ralentir le tempo pour mieux exploser. Pour parler en langage de baseball, il y va pour le circuit et vise les clôtures! C'est un excellent cogneur. Toute sa stratégie est basée là-dessus.»

Pascal et son entourage n'ont rien laissé au hasard. Après un mois d'entraînement à Montréal, le boxeur s'est exilé en Arizona pendant deux mois, cet automne, pour s'éloigner des distractions. Il a eu pour partenaires d'entraînement Sébastien Demers, Jerson Ravelo, Epifanio Mendoza et Rubin Williams, des adversaires de bon niveau qui lui ont permis de pousser la machine à fond, selon Marc Ramsay. «Tant pour le nombre que pour la qualité des partenaires, on a mis le paquet comme jamais», assure-t-il.

Entre l'Arizona et l'Angleterre, Pascal n'a passé que trois jours à Montréal. Mais c'était plus de temps qu'il n'en fallait pour avoir une sacrée frousse: un examen cardiaque d'avant-combat a donné des résultats inhabituels et il a dû se rendre à l'Institut de cardiologie de Montréal pour y subir des tests plus poussés. Plus de peur que de mal, finalement: il a un coeur d'athlète, un peu plus gros que la normale, mais rien d'inquiétant.

«C'était un peu stressant, à quelques jours de mon combat le plus important, dit Pascal. Mais en y repensant, je me suis dit que si mon coeur avait dû lâcher, il l'aurait fait en Arizona, tellement je m'y suis entraîné fort, au point d'en vomir.»

Zen, on vous le dit.