Barack Obama a présenté, hier, l'équipe qui offrira à l'étranger le - présumé - nouveau visage d'une Amérique sortie de l'ère Bush. La nomination au poste le plus prestigieux, celui de secrétaire d'État, de l'ex-première dame et ex-rivale, Hillary Clinton, est évidemment celle qui attire le plus d'attention.

Mais l'ensemble de la composition de l'«équipe-monde» du prochain président des États-Unis est, de façon tout aussi notable, le résultat d'un exercice d'équilibriste qui semble assez réussi.

 

Y figure Robert Gates, ex-patron de la CIA qui devint secrétaire à la Défense (après Donald Rumsfeld) sous George W. Bush, qui conserve son poste. Le général James Jones, ancien commandant de l'OTAN, devient conseiller à la sécurité nationale. La gouverneure démocrate de l'Arizona, Janet Napolitano, moins connue, hérite du dossier inconfortable de la sécurité intérieure.

Le portrait est à peu près complet si l'on ajoute Susan Rice, très proche du candidat démocrate à la présidence pendant la campagne, qui deviendra ambassadeur auprès de l'ONU. Ce poste, que le président sortant avait «affaibli» en le privant d'un siège aux réunions ministérielles, retrouvera son plein statut.

On trouve dans tout cela plusieurs messages.

Pour les Canadiens lourdement engagés en Afghanistan, il importe d'abord de constater que, tout comme Obama, son équipe entretient au sujet de ce pays une vision différente de celle qui prévalait pendant les années Bush.

Le président désigné a promis de dégager les troupes américaines en poste en Irak (il maintient son objectif de 16 mois pour un retrait complet) dans le but de porter assistance aux forces internationales en Afghanistan. Autour de lui, se trouve dorénavant un militaire, le général Jones, qui n'a pas craint de réfuter les vues de la Maison-Blanche et de dénoncer ce qui était en train de devenir le bourbier afghan. Se trouve aussi Gates qui, depuis des mois, fait profession de décrire les limites de la pure action militaire et, évoquant les «leçons du Vietnam», de plaider l'exercice d'un pouvoir «soft» de l'Amérique dans le monde.

Au total, on voit ici un plan de relations internationales plus enclin au multilatéralisme et à la diplomatie, mais sans rupture abrupte. Un «changement auquel on peut croire», a commenté un républicain, paraphrasant un slogan de la dernière campagne...

Demeure donc le cas Clinton.

Bien sûr, le scepticisme qui accueille cette nomination ne concerne pas surtout la compétence d'Hillary Clinton - elle sait que l'Afrique est un continent... Mais plutôt, d'une part, la chimie qui prévaudra entre elle et son patron, contre qui elle a mené une très dure lutte pour l'investiture démocrate. Et, d'autre part, la place qui sera laissée à (ou accaparée par) Bill Clinton, un personnage qui demeure considérable, notamment aux yeux du monde, et que les ans ont rendu assez imprévisible.

Devant cela, «il serait bon cette fois de mettre une sourdine à notre cynisme», conseille (sur CNN) Carl Bernstein, ce monument du journalisme politique américain, auteur d'un essai sur Hillary Clinton (A Woman In Charge).

Barack Obama n'ayant même pas encore accroché son chapeau à la patère du bureau Ovale, le conseil semble assez judicieux.

mroy@lapresse.ca