Désespéré, Mario Dumont a choisi de s'enfoncer. Cette semaine, il a évoqué la possibilité que le gouvernement du Québec soit obligé de réduire les pensions à cause des problèmes de la Caisse. Ouache! C'est infect.

En choisissant la politique bas de gamme, le chef de l'ADQ fait une double démonstration. D'abord, il nous rappelle que son absence de principes et son irresponsabilité le rendent indigne du pouvoir. Ensuite, il démontre par l'absurde pourquoi il est sage de ne divulguer les données de la Caisse de dépôt qu'une seule fois par année. Tant qu'il y aura des démagogues comme Mario Dumont, il faudra protéger cette institution contre les dérives politiques.

 

Ça vaut la peine de regarder de près les inanités de M. Dumont. «Dans les journaux de Toronto de mardi matin, on disait que, une des hypothèses que la Caisse est obligée d'envisager, c'est de couper les pensions, de couper les pensions de la Régie des rentes du Québec», a-t-il confié à des personnes âgées.

En fait, il s'agit d'un article du Globe and Mail, qui révélait que la Caisse a dû vendre 10 milliards d'actions pour obtenir des liquidités. «Le spectre que les pertes forcent à réduire les chèques de pension est devenu un thème chaud de la campagne électorale», notait le Globe. Il ne parlait pas d'une hypothèse envisagée par la Caisse, mais d'un argument que des gens comme Mario Dumont utiliseraient.

Poursuivons. «L'argent d'environ trois années de toutes les cotisations de tous les travailleurs du Québec au régime des rentes du Québec s'est envolé. Il ne peut pas ne pas y avoir de conséquences.» C'est vrai, mais sur papier. Comme pour tous les portefeuilles. Et cet argent ne s'est pas envolé, parce que les marchés vont tôt ou tard remonter.

Ce n'est pas fini. «Il y a un trou à la Caisse de dépôt. Ça peut se traduire de deux façons: soit des réductions des pensions qui sont versées, soit des augmentations de cotisations. Ou encore, par un autre moyen, on renfloue la Caisse.» Encore faux, parce qu'il y a un quatrième moyen: le temps, qui va permettre au portefeuille de la Caisse de retrouver sa valeur.

Pauline Marois a repris le cheval de bataille de Mario Dumont, heureusement de façon plus sobre, par exemple cette publicité qui interpellait Jean Charest: «Vous avez joué avec les épargnes de la population. Direz-vous ce soir la vérité à la population? Ce n'est pas plus compliqué que ça et ce n'est pas difficile à comprendre.»

Ces interventions montrent pourquoi il est préférable d'attendre février prochain, comme d'habitude, pour connaître l'état du portefeuille de la Caisse. Parce que justement, c'est compliqué et difficile à comprendre.

C'est une évidence que la Caisse a subi des pertes importantes, comme tous les grands portefeuilles. On veut savoir le montant précis? Il change tous les jours. On veut savoir si cela compromettra la capacité financière de la Caisse? On ne le saura que lorsque les marchés seront stabilisés et qu'on aura une idée plus précise de la sortie de crise. On veut rassurer les gens? Voyons donc, tout ce qu'on a réussi, c'est de faire peur au monde.

La divulgation trimestrielle des résultats est une forme de dictature, qui force à gérer en fonction de ces divulgations, et qui impose une logique de court terme, désastreuse pour une institution qui s'inscrit dans le long terme. Cela réduirait en outre l'indépendance de la Caisse et la rendrait vulnérable aux gérants d'estrade qui se déchaînent dans cette campagne, pour des raisons partisanes ou idéologiques.

Il y a néanmoins un débat légitime sur le mandat de la Caisse: doit-elle viser seulement le rendement ou doit-elle aussi penser au développement du Québec? La publication rapide des chiffres ne ferait pas avancer ce débat, parce que rien ne permet de croire qu'une stratégie plus québécoise aurait donné de meilleurs résultats. On voudra aussi savoir si la Caisse, dans la tourmente, s'en est mieux tirée que des institutions comparables. Là encore, la divulgation des chiffres en campagne ne nous donnerait pas la réponse.

Ce débat sur les chiffres de la Caisse n'a rien à voir avec le désir de rassurer ou d'éclairer les Québécois. C'est un débat politique pur, qui permet aux partis de l'opposition d'accuser Jean Charest d'être responsable de problèmes qui sont attribuables à la crise financière mondiale.

adubuc@lapresse.ca