Une petite couche de neige croûtée et un vent glacial attendaient hier à Winnipeg les délégués conservateurs réunis pour leur premier congrès depuis 2005.

Malheureusement pour eux, ce n'était pas beaucoup plus chaud à l'intérieur du Palais des congrès.

Question de donner le ton à un congrès axé (on n'y échappe pas) sur l'économie, le ministre des Finances, Jim Flaherty, a brossé devant les journalistes un très sombre tableau de la situation, affirmant au moins à trois reprises en 15 minutes que le pire était à venir et que la crise empirait chaque jour.

Heureusement que les marchés étaient fermés au moment des déclarations du ministre des Finances parce que les Bourses canadiennes auraient perdu encore quelques plumes. Il est vrai que le patron de M. Flaherty, Stephen Harper, estime que la dégringolade des marchés boursiers offre de bonnes occasions aux investisseurs, mais il ne faut pas faire exprès...

Il souffle un vent glacial, donc, sur les finances de l'État, au point où le gouvernement devra vendre des actifs pour arriver, a ajouté M. Flaherty. Le froid perdure aussi entre le Parti conservateur et les médias. Et ce n'est pas en fin de semaine que la relation se réchauffera. Au contraire.

Dans un geste hautement inusité, les autorités du Parti conservateur ont décidé que les délibérations des militants dans les ateliers se dérouleront... à huis clos. Ce n'est pas tant que les conservateurs ne font pas confiance aux journalistes, c'est plutôt qu'ils craignent leurs militants.

Les nombreux journalistes qui couvrent le congrès (on parle tout de même du premier congrès du parti au pouvoir en plus de trois ans) ont même été avisés hier qu'ils n'auront pas accès aux corridors longeant les salles de délibération.

Décidément, M. Harper a une idée plutôt soviétisante de la démocratie et des relations avec les médias.

«Ce genre de mesures, ça fait partie des problèmes du Parti conservateur, des problèmes qui doivent être réglés», a lancé, un brin découragé, un militant du Nouveau-Brunswick, hier soir.

Ce militant reproche aussi à son parti d'avoir mené une vilaine campagne déconnectée des préoccupations des Québécois et des francophones du Nouveau-Brunswick. Il n'a pas apprécié non plus la façon dont les résolutions qui doivent être débattues cette fin de semaine ont été approuvées, c'est-à-dire par une réunion téléphonique avec les 25 membres de l'exécutif national.

«Une réunion téléphonique à 25, ça ne peut pas marcher, c'est pas mal difficile de faire entendre son opinion», dit-il.

Autre froid au sein du congrès conservateur: la relation tendue entre les militants québécois et les autorités du Parti, à commencer par l'entourage immédiat de Stephen Harper.

À peine une centaine de délégués du Québec, sur près de 2000, se sont donné la peine de se rendre à Winnipeg cette fin de semaine et ce n'est pas la météo qui les a repoussés.

Plusieurs militants, anciens candidats et organisateurs m'ont confié ces derniers jours qu'ils n'avaient tout simplement pas envie de participer à ce congrès, que leur parti les a profondément déçus et qu'ils espéraient des changements qui ne sont pas venus dans l'entourage du chef.

«Très franchement, les relations avec les proches du premier ministre, en particulier ceux qui devaient s'occuper du Québec dans la campagne, sont trop mauvaises, je n'ai pas du tout le goût de les voir, confie un conservateur influent de Montréal. Nous nous attendions à des changements sérieux au bureau de Stephen Harper, mais il ne s'est rien passé à part la nomination d'un nouveau lieutenant (le ministre Christian Paradis).»

Parlant de Christian Paradis, ce dernier aura beaucoup de travail pour relancer le Parti conservateur au Québec après la contre-performance du 14 octobre. Pour un parti riche comme le sien, un parti qui vient de gagner des élections de surcroît, il n'est pas normal d'attirer aussi peu de militants du Québec.

M. Paradis a beau essayer de se convaincre que c'est «bon signe» d'avoir une centaine de Québécois ou encore tenter d'expliquer que la distance entre le Québec et le Manitoba est la cause de leur faible participation, on sent le malaise.

Si la distance était un facteur aussi déterminant, le même Parti conservateur n'aurait pas réuni plus de 2000 militants de partout au pays à Montréal, en 2005, alors qu'il était dans l'opposition.

La réalité, et M. Paradis le sait parce que les anciens candidats le lui ont dit la semaine dernière, c'est que plusieurs militants du Québec boudent. Voilà pourquoi certains ont relancé l'idée ces derniers jours de créer une aile québécoise du Parti conservateur, comme au Parti libéral du Canada.

«C'est une option», a prudemment avancé hier M. Paradis, mais les bleus québécois ne devraient pas s'emballer puisque l'on ne sent aucun enthousiasme dans l'entourage du chef.

Si M. Harper ne fait pas suffisamment confiance à ses candidats pour les laisser parler librement aux médias durant une campagne, s'il a préféré confier à son organisateur en chef à Ottawa (Doug Finley) la campagne au Québec, il n'autorisera certainement pas une aile québécoise distincte. Pas son genre.

«Ce que veulent nos candidats, c'est avoir une organisation au Québec; ils veulent avoir un vrai parti, pas être tributaires des partis provinciaux, que ce soit l'ADQ ou le PLQ», explique un proche collaborateur de M. Harper, qui rejette le modèle en vigueur chez les libéraux.

Voilà l'immense défi qui attend les conservateurs (et leur nouveau lieutenant) au Québec dans la prochaine année.

À en juger par la faible représentation québécoise, cette fin de semaine à Winnipeg, ce parti devra aussi réveiller l'enthousiasme qui lui a permis de rêver d'une majorité, il y a quelques semaines à peine.

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