Les gens placent une confiance étonnante, à hauteur de 84%, dans la science et les scientifiques. D'autant plus étonnante, en fait, que c'est un domaine où, par comparaison avec d'autres comme la culture ou le sport, ils ne s'estiment pas particulièrement bien informés. Selon le même sondage CROP, les gens estiment dans la même proportion que la science a fait davantage de bien que de mal. Et ils sont au moins aussi sensibles à l'objectif assez abstrait de l'avancement des connaissances de l'humanité qu'ils ne le sont, par exemple, au bénéfice quotidien de la science.

Ce sondage a été réalisé pour La Presse, Télé-Québec et l'ACFAS (Association francophone pour le savoir) en prévision de la Grande rencontre Science Société, qui se tiendra demain et jeudi, à Montréal.

Le statut de la science dans la société se serait donc amélioré depuis 2002, alors que 68% seulement des citoyens lui faisaient confiance. Cela peut sans doute s'expliquer, au moins en partie, par la scolarisation toujours croissante de la population, ce qui rapproche de la science.

Un tableau presque idyllique, donc?

Pourquoi, alors, les universités sentent-elles le besoin de diffuser ces jours-ci à la télé des publicités destinées à rappeler que c'est chez elles que se produit et se transmet le savoir?...

En réalité, tout porte à croire que les rapports entre la société et la science sont beaucoup plus ambigus, bien que cette hypothèse ne puisse être... scientifiquement démontrée! On peut identifier trois indices qui le laissent subodorer.

D'abord, mis à part de remarquables exceptions, les médias consacrent peu d'espace ou de temps d'antenne à la science - ce que les répondants au sondage déplorent d'ailleurs. On peut blâmer le messager. Mais, connaissant la mécanique médiatique, il est plus probable que les médias réagissent plutôt à un manque d'intérêt du public pour la question.

Ensuite, le goût pour les pseudo-sciences (c'est-à-dire: l'exact contraire de la science) ne cesse de croître. Il y a quelques années, une étude du professeur Serge Larivée, de l'Université de Montréal, établissait que les livres portant sur les pseudo-sciences parfois les plus échevelées occupaient, au Québec, de sept à quinze fois plus d'espace en librairie que les ouvrages de vulgarisation scientifique.

Enfin, on peut plaider qu'on assiste en réalité à un backlash anti-sciences, parfaitement compatible avec ce qu'on vient de voir. Les débats sur l'exploration spatiale, l'énergie nucléaire, les organismes génétiquement modifiés, le darwinisme, la médecine sont lourdement entachés par une méfiance tenace (ou alors, une grande ignorance) à l'endroit de la science. La mise en route, il y a deux mois, du Grand collisionneur d'hadrons de Genève, un des outils scientifiques les plus extraordinaires des dernières décennies, a ainsi donné lieu à des réactions assez pittoresques...

Qu'y faire?

Ce n'est pas simple. Au plus profond de l'être humain semble exister un goût irrépressible pour ce qui n'est pas prouvé et ne peut pas l'être. Chose sûre, une plus grande présence des scientifiques sur la place publique, quitte à ce qu'ils prennent des risques politiques, ne nuirait pas.