Jim Balsillie est un drôle d'oiseau. Tout le monde sait que Monsieur BlackBerry rêve d'acheter une équipe de la Ligue nationale de hockey. Outre ses tentatives avortées de mettre la main sur les Penguins de Pittsburgh et les Predators de Nashville, tout indique qu'il a approché au moins deux autres équipes, les Sabres de Buffalo et les Thrashers d'Atlanta.

Un club de hockey serait le joujou ultime pour cet homme d'affaires richissime, qui aime le sport national canadien au point de donner aux salles de conférence du siège social de Research in Motion (RIM) les noms de vedettes comme Guy Lafleur, Maurice Richard et Bobby Orr.

Les méthodes de Balsillie ne manquent toutefois pas d'étonner. Pas sûr que d'affirmer à une journaliste montréalaise que le club emblématique du hockey professionnel est à vendre - et de se faire ensuite photographier avec un air d'amoureux transi à côté du logo du CH! - va contribuer au réchauffement de ses relations déjà glaciales avec la LNH.

En entrevue sur les ondes de CKAC, plus tôt cette semaine, Gary Bettman a laissé échapper une phrase qui en dit long sur ce que les bonzes de la LNH pensent du franc-tireur de Waterloo. «Le bureau des gouverneurs a certains doutes sur sa façon de procéder», a dit le commissaire, avec un art consommé de l'euphémisme.

En coulisses, deux observateurs à qui j'ai parlé ont avancé que Balsillie joue avec le Canadien le même jeu qu'il a joué avec les Sabres de Buffalo plus tôt cette année. Le Toronto Star, citant une source anonyme, a rapporté en mai que Balsillie avait contacté le propriétaire des Sabres, Tom Golisano, pour acheter son équipe. L'approche auprès des Sabres aurait été faite en décembre 2007, à l'époque où Balsillie discutait aussi avec les Thrashers d'Atlanta, selon des informations dont La Presse a fait état l'hiver dernier.

Mais quel est le jeu de Balsillie, exactement? Veut-il se venger des bonzes de la LNH qui refusent de l'admettre au sein de leur country club en semant le chaos dans l'entourage du Canadien en pleine année du centenaire? Espère-t-il créer des dissensions au sein de la direction de l'équipe (Molson est toujours actionnaire minoritaire, ne l'oublions pas)? Ou alors a-t-il eu vent de plans que George Gillett aurait préféré ne pas dévoiler pour l'instant?

Allez savoir. Mais il est quand même étonnant de voir l'ampleur de la commotion créée par la petite phrase de Balsillie. Ce n'est pas tout les jours qu'un chroniqueur reçoit un appel non-sollicité de la part de Gary Bettman, comme ça m'est arrivé hier. Fallait que George Gillett n'ait pas, mais alors pas du tout digéré les allégations du cochef de la direction de RIM pour qu'il appelle le commissaire de la ligue en renfort. La vivacité de sa réaction donne à penser qu'il n'était pas seulement animé par le souci d'épargner à ses gens de relations publiques la grosse journée d'ouvrage qui s'annonce aujourd'hui...

George Gillett, n'en doutez pas, aime Montréal, le hockey et le Canadien, une franchise qu'il a relancée sur des bases solide depuis sa prise de contrôle, il y a sept ans. Il aime les joueurs, le frisson de la victoire et le défi, éminemment réalisable cette année, de gagner la Coupe Stanley. Mais il est aussi un businessman. Viendra un moment, inévitablement, où il recevra une offre tout simplement trop belle pour qu'il l'ignore. À condition, sans doute, qu'elle ne lui vienne pas de Jim Balsillie...