Même si les présidentielles américaines revêtent une incontestable importance internationale, le premier défi et la grande priorité du président élu sera de nature économique, combattre la récession, juguler la crise financière et composer avec l'héritage économique désastreux de l'administration Bush.

La crise financière et la récession, imprévisibles au début de la campagne, ont brisé les reins des républicains et donné des ailes aux démocrates. Ce cadeau du sort comporte cependant un prix. La victoire historique de Barack Obama suscite d'immenses espoirs. Mais c'est sur le terrain de l'économie que les risques de déception seront les plus grands quand les rêves seront confrontés aux contraintes du réel.

Peu de présidents sont arrivés en fonction dans un contexte si difficile, un tsunami financier et une récession douloureuse, avec ses mises à pied, la perte de pouvoir d'achat, l'augmentation de la misère, l'effondrement de piliers de l'économie. La première tâche du nouveau président sera évidemment d'atténuer les effets de la récession et de redémarrer l'économie.

M. Obama, tout comme son adversaire John McCain, a proposé un train de mesures pour assurer la relance : un plan de 190 milliards, surtout en cadeaux fiscaux. Est-ce que ce genre d'effort sera suffisant? À cet égard, le candidat démocrate dispose d'un atout. Même s'il ne sera en poste qu'en janvier, il pourra agir plus vite, parce que la majorité démocrate du Congrès planche déjà sur un plan de relance similaire au sien.

Mais il se heurtera rapidement à une contrainte énorme. Le déficit, qui avait été ramené à 162 milliards en 2007, bondira à 750 milliards en 2009, et dépassera peut-être le trillion américain, mille milliards, avec les mesures de relance. C'est trois fois plus, en proportion, que les pires déficits canadiens. Cela limitera la marge de manoeuvre et forcera rapidement l'administration à des mesures nécessairement impopulaires.

Mais le grand projet de Barack Obama, celui qui le distingue, c'est sa politique énergétique, un colossal effort qui pourrait atteindre 300 milliards, pour réduire la dépendance énergétique américaine. Ces investissements, dans des infrastructures, dans de nouvelles technologies, auront un impact économique structurant qui appuiera les politiques de relance.

Il ne sert pas à grand chose de regarder dans le détail ces mesures de relance en raison des particularités du système politique américain. Ce n'est pas le président qui écrit le budget ou qui élabore les projets de loi, mais bien le Congrès. Les promesses d'un candidat à la présidence sont donc plus des déclarations d'intention que des engagements formels.

Les promesses de M. Obama permettent néanmoins de préciser un peu un programme économique qui n'est toujours pas très précis. On en sait assez pour voir que le président élu n'est pas un socialiste comme le clame son adversaire, mais un centriste, dont la cagnotte électorale a été largement remplie par le « big business ». Certains de ses engagements, comme celui d'annuler la baisse d'impôts pour les mieux nantis annoncée par l'administration Bush, indiquent néanmoins une rupture claire avec le credo idéologique de la droite républicaine.

Si Barack Obama n'est pas à gauche, il y a chez lui une tendance au populisme qui s'est entre autres exprimée dans son désir de revoir des ententes commerciales comme l'Alena, pour empêcher que l'on exporte les jobs des travailleurs américains. On peut donc s'attendre à un renforcement des réflexes protectionnistes.

Le président élu dispose d'un avantage qu'il ne faut pas sous-estimer, et c'est l'effet Obama. La sortie d'une crise repose beaucoup sur la restauration de la confiance. Le vent de changement qu'il incarne, même s'il est souvent indéfinissable, peut contribuer puissamment à ce retour de la confiance.

Cet élément jouera aussi dans la gestion de la crise financière, qui n'est pas terminée et qui connaîtra d'autres soubresauts. La définition de nouvelles règles du jeu financières est un enjeu central où le nouveau président voudra certainement reprendre le leadership que son prédécesseur a perdu aux mains des Européens.

Et c'est là toute la différence avec une victoire de John McCain. Son impuissance face à un congrès démocrate hostile, l'énorme découragement provoqué par une défaite démocrate, et le rapprochement du candidat républicain avec les éléments les plus réactionnaires de son parti mèneraient à une bien triste présidence.

En économie comme ailleurs, le succès de la présidence de Barack Obama repose sur un pari, que le vent de changement génère une énergie qui permettra aux États-Unis de se remettre sur pied. Cela correspond à quelque chose de bien réel dans la culture de ce pays, la capacité phénoménale des Américains de se mobiliser et de rebondir.