Par un superbe après-midi d'automne, celui d'hier pour être précis, nous étions une centaine sur les lignes de côté à nous dire quelle belle journée pour le football...

Nous étions à l'école secondaire Lower Canada College, une institution privée dans le quartier Notre-Dame-de Grâce à qui l'élite anglophone de Montréal confie ses enfants.Les visiteurs étaient les Jaguars de l'école Jean-Grou, de Rivière-des-Prairies, et ces jeunes voyaient peut-être pour la première et la dernière fois de leur vie ce coin de la ville, dont ils sont si près et si loin à la fois.

Les entraîneurs des Lions de LCC étaient tous équipés d'écouteurs et de micros, mais pas ceux des Jaguars qui devaient utiliser leur voix et un langage de signes pour communiquer. Les waterboys des Lions étaient équipés du kit Gatorade complet, paniers et bouteilles. Chez les Jaguars, il y avait deux bouteilles de Canadian Tire remplies d'eau et couchées dans la pelouse. Vous devinez que le football scolaire à RDP est sous-financé.

Sur un banc, on parle anglais, sur l'autre, français avec un fort accent créole. Que voulez-vous, nous sommes à Montréal...

Et nous avons eu droit à un superbe match... pendant trois quarts. Les p'tits gars de RDP ont vite pris les devant avec deux touchés rapides et la guerre était déclarée.

Les deux équipes ont ensuite pris tour à tour les devants et nous avons été témoins de quelques exploits héroïques des deux côtés.

Jamal le magnifique

Jean-Jacques Junior Janvier y est allé de quelques attrapés et courses d'enfer, son coéquipier Alexandre Brisset a foncé dans la ligne adverse avec tout son coeur, mais les Lions avaient Jamal Henry, un crak. Henry, qui est toujours sur le terrain, a enfilé les longues courses, les touchés, les attrapés d'une main, même une interception.

Jamal était au Texas l'an dernier, au pays du football, où habite son père. «C'était à Dallas. Il y avait plus de 10000 personnes dans les gradins pour nos matchs d'école secondaire. Je me suis bien débrouillé, mais je me suis blessé à un genou et je n'ai pas terminé la saison. J'aimerais y retourner pour leur montrer de quoi je suis capable.» (Jamal dit sir, à la texane, quand il répond aux questions...)

Jamal Henry, un nom à retenir, donc.

Le match s'est terminé quarante et quelques contre 20 et quelques points en faveur des Lions, et pour les Jaguars, c'était l'élimination en demi-finale. On y a cru, pendant 45 minutes environ.

Les Jags sont dirigés par Emmanuel Casseus, un ancien des Alouettes et des Eskimos d'Edmonton qui est originaire de Montréal-Nord. Il a dit à ses hommes qu'il était fier d'eux, qu'ils étaient passé d'une saison de 2-6 à une saison de 6-2, puis on a un peu perdu le reste parce de gros sanglots bloquaient sa gorge. Les joueurs aussi pleuraient, même les parents, qui ont improvisé une haie d'honneur quand leurs fils ont quitté le terrain. C'était beau et très touchant.

Un des joueurs des Jags, qui ont entre 15 et 17 ans, avait choisi de se défouler et il donnait des coups de pied à tout ce qui traînait devant lui. L'adjoint de Casseus, Jacques Dussault, ancien entraîneur des Alouettes, du Concorde, de la Machine et des Carabins, l'a calmé en lui disant: «Viens t'asseoir avec mononcle...»

Dussault, qui est maintenant à l'emploi de la SRC, est toujours un enseignant dans l'âme. Il est bénévolement venu à la rescousse de son ancien protégé Casseus.

Pour les mots d'adieu, le vieux coach a été bref: «Je sais que ça fait mal, que c'est décevant, mais dans la vie qui vous attend, il y aura des épreuves encore plus dures. Retenez la leçon d'aujourd'hui. Elle vous servira peut-être un jour...»

Et puis les Jags sont montés dans leur autobus scolaire jaune et ils ont entrepris le long voyage de retour à RDP. Ça ne devait pas être gai.

Bref, un après-midi de sport dans tout ce qu'il représente de plus noble et de plus beau.

Et de vie aussi.