Plusieurs commentateurs l'ont souligné: de mémoire contemporaine, outre lors de l'éphémère règne de Joe Clark, le Québec n'a jamais été aussi faiblement représenté au gouvernement fédéral qu'au sein du cabinet formé hier par Stephen Harper. On ne peut pas s'en prendre au premier ministre: il a fait ce qu'il pouvait avec la députation que lui ont envoyée les électeurs québécois.

Des 38 membres du cabinet, cinq seulement viennent du Québec (13%), contre 40% pour l'Ouest et 33% pour l'Ontario. Outre Lawrence Cannon aux Affaires étrangères, aucun ministre québécois ne dirige un portefeuille de grande influence. Pire, en cette période où l'économie sera la grande priorité du gouvernement, on ne trouve aucun Québécois à la tête des ministères économiques.

 

Dans ce cabinet, nulle trace de «French power». Ainsi en ont décidé les Québécois, qui ont choisi d'abdiquer l'influence des décideurs pour celle des critiqueux.

Exception faite de ce déplorable affaiblissement du Québec, la composition du cabinet nous réjouit à plusieurs titres. Lawrence Cannon n'est pas reconnu pour son expertise en affaires internationales, mais son expérience et sa prudence lui permettront de représenter correctement le Canada à l'étranger. Ses premières entrevues ont été rassurantes.

Comme on s'y attendait, M. Harper a gardé Jim Flaherty aux Finances. C'est une bonne décision, la situation actuelle commandait la continuité à ce poste stratégique.

L'Albertain Jim Prentice a la réputation d'être le ministre le plus solide de M. Harper. On ne peut que se réjouir de le voir nommé à l'Environnement, portefeuille crucial et complexe.

Ce conseil des ministres compte 11 femmes. Encore trop peu, mais c'est le pourcentage le plus élevé de l'histoire du gouvernement canadien. Trois nouvelles venues en politique fédérale obtiennent des postes importants, en particulier l'Inuite Leona Aglukkaq (Santé).

C'est triste à dire, mais Josée Verner et Jean-Pierre Blackburn méritent leur rétrogradation. Mme Verner, quelles que soient ses autres qualités, est visiblement incapable de gérer un ministère important et de défendre des décisions controversées. Sous M. Harper, son nouveau ministère, les Affaires intergouvernementales, n'a aucun poids.

M. Blackburn s'est mis à dos tout le milieu économique du Québec par une politique insensée, têtue et partisane. Il sera inoffensif au Revenu.

Le député de Mégantic-L'Érable, Christian Paradis, devient ministre des Travaux publics. Toutefois, ses responsabilités les plus importantes sont celles de lieutenant politique du Québec et de ministre responsable de Montréal.

La récente campagne électorale a montré que le Parti conservateur avait encore beaucoup à faire pour comprendre la culture politique québécoise et s'enraciner profondément dans la province. À cet égard, la tâche qui attend M. Paradis est colossale.