Le prix du pétrole a bondi de plus de 5$ hier pour dépasser les 68$ le baril. C'est tout de même moins que la moitié du sommet atteint l'été dernier. Et nous sommes encore très très loin des 200$ que certains économistes voyaient dans leur soupe il n'y a pas si longtemps.

Comme automobilistes, nous sommes tous heureux de voir le litre d'essence passer sous 1$. C'est aussi une bonne nouvelle pour nos entreprises, qui ont bien besoin d'un peu d'oxygène. Toutefois, il ne faut pas que le prix du pétrole baisse davantage. Au contraire, à moyen terme, il faut qu'il remonte.

 

Pourquoi? Pour le bien de l'économie canadienne, qui dépend beaucoup des matières premières. Pour la santé de nos placements, puisque le rendement de la Bourse de Toronto est étroitement lié au prix du pétrole. Pour l'équilibre du Trésor fédéral, dont les revenus sont également conditionnés par les prix des matières premières. Et, surtout, pour le succès de la lutte aux changements climatiques.

C'est la hausse fulgurante du prix de l'or noir qui a convaincu l'industrie automobile de miser (enfin!) sur les énergies alternatives. Les manufacturiers se sont lancés dans une course effrénée pour mettre au point les technologies nécessaires; il ne faut pas que ça s'arrête. Or, il n'y a qu'un moyen de les convaincre d'aller de l'avant: les consommateurs doivent l'exiger. Et ceux-ci ne l'exigeront que s'ils y trouvent un avantage financier.

Merrill Lynch estime que le prix du baril de pétrole pourrait glisser aussi bas que 50$ si le monde plonge en récession au cours des prochains mois. À tous les points de vue, ce serait une catastrophe. L'Energy Information Administration des États-Unis prévoit plutôt une remontée du prix du baril à 112$ l'an prochain. C'est un scénario beaucoup plus souhaitable, malgré la hausse du prix de l'essence qui en résulterait.

De toute façon, la diminution du coût du carburant pourrait avoir un effet pervers dont les consommateurs seraient les grands perdants. Au cours d'une conférence tenue à Londres cette semaine, plusieurs experts ont dit craindre que la crise actuelle n'entraîne un report de plusieurs projets d'exploration et de raffinage. Une fois le ralentissement économique passé, l'écart entre l'offre et la demande de pétrole serait plus grand que jamais. «Les prix pourraient alors être beaucoup plus élevés que ceux que nous avons vus il y a trois mois», selon l'économiste en chef de l'Agence internationale de l'énergie.

Pour la planète comme pour l'économie canadienne, il est préférable que les prix du pétrole soient un peu plus hauts qu'aujourd'hui, mais également qu'ils soient plus stables afin de permettre aux acteurs économiques de s'ajuster et de planifier. L'essence coûtera plus cher... mais au volant de nos automobiles électriques, nous n'y porterons même plus attention!

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