Si l'on en croit les sondages et la rumeur publique, une grande majorité de Québécois est furieuse contre Jean Charest parce qu'il songe à tenir des élections générales le 8 décembre prochain. Aussi répandu soit-il, ce mécontentement ne nous semble pas justifié.

On dit que la campagne fédérale venant à peine de se terminer, il est inconvenant pour le premier ministre de nous replonger dans le bain électoral. Pourtant, ne nous y trompons pas, la grogne actuelle a peu à voir avec la date choisie par M. Charest. Les Québécois, comme les autres Canadiens, ne veulent presque jamais d'élections. Comme si les campagnes électorales exigeaient d'eux un effort surhumain! Admettons qu'il n'en est rien. La campagne prend trop de place dans les médias? On n'a qu'à changer de poste ou tourner la page. Pour le reste, il suffit de se rendre au bureau de vote à la date dite. Bien petit calvaire que celui-là.

On déplore que les libéraux s'apprêtent à partir en campagne alors que les partis de l'opposition n'avaient pas l'intention de les défaire à l'Assemblée nationale. On accuse M. Charest d'opportunisme. Soit. Pourtant, dans une situation de gouvernement minoritaire, pourquoi réserverait-on à l'opposition le privilège de choisir la date des élections en fonction de ses intérêts partisans? Les raisons invoquées publiquement par M. Charest ne sont pas crédibles, mais le courroux du PQ et de l'ADQ ne l'est pas davantage.

Les électeurs sont appelés aux urnes trop souvent depuis quelque temps? Sans doute, mais n'est-ce pas ce que nous voulions? Selon les partisans des gouvernements minoritaires, ceux-ci permettent à l'électorat de demander plus régulièrement des comptes à ceux qui nous dirigent; le corollaire de cela, c'est la tenue plus fréquente d'élections. À ce mal (si c'en est un) il n'existe qu'un remède: l'élection de gouvernements majoritaires.

Certains soulignent que ce scrutin coûtera quelque 80 millions au Trésor public. Que les élections aient lieu maintenant, le printemps prochain ou à l'automne 2009, cela ne changera rien au coût. Quatre-vingts millions, c'est certainement beaucoup d'argent. Toutefois, il faut placer cette somme en perspective: 80 millions, c'est ce que le gouvernement du Québec dépense en une demi-journée.

Si les citoyens québécois n'aiment pas les campagnes électorales, c'est sans doute parce qu'ils apprécient si peu les politiciens qu'ils préfèrent ne pas trop les voir. Leur déception à cet égard est compréhensible. Mais il leur faut la combattre. Ne plus s'intéresser à la politique, ne plus vouloir voter, c'est en avoir marre de la démocratie. En sommes-nous vraiment là?

Si la tenue d'élections le 8 décembre se confirme, les Québécois seront appelés à faire un choix important. Parmi les nombreux thèmes qui seront abordés, le risque d'une crise économique sera sans doute le principal. Les électeurs auront l'occasion de décider quel gouvernement guidera le Québec pendant cette période de turbulence. C'est une chance que nous devrions apprécier plutôt que de pester contre la date.