Larry Smith aime projeter une image de gars toujours de bonne humeur. Mais à six semaines de la finale de la Coupe Grey, présentée à Montréal pour la première fois en sept ans, le président des Alouettes ne fait aucun effort pour cacher son irritation envers... le Canadien de Montréal.

Sa frustration est compréhensible. La «coïncidence» est passée inaperçue sur le coup, mais le Canadien retirera le numéro de Patrick Roy le 22 novembre, la veille du match de la Coupe Grey, auquel les Alouettes risquent fort de participer.

 

Le CH n'aurait pu mieux s'y prendre s'il avait voulu voler le show aux Oiseaux. Qu'est-ce qui va monopoliser l'attention des médias dans les deux jours précédant la finale de la Ligue canadienne de football, vous pensez? La Coupe Grey ou le retour de l'enfant prodigue dans le giron du Canadien? Larry Smith ne se fait pas d'illusions.

«C'est triste de voir une organisation comme le Canadien faire une activité comme celle-là la veille de la Coupe Grey», m'a-t-il dit avant la victoire des Alouettes contre les Tiger-Cats de Hamilton, lundi.

«Nous savons que le Canadien est numéro un à Montréal, mais ça fait quand même deux ans que nous planifions la Coupe Grey. C'est un événement d'envergure nationale qui ne revient qu'aux sept ou huit ans et qui va générer des retombées économiques de 50 millions à Montréal. Ce n'est pas très professionnel d'agir comme ça quand vous avez d'autres possibilités.»

Les Alouettes ont appris la date du retrait du numéro de Patrick Roy en même temps que tout le monde, le 11 septembre. Personne chez le Tricolore n'avait jugé bon de passer un coup de fil à Larry Smith pour le prévenir de ce qui se tramait.

«Ce n'est pas très professionnel, répète le patron des Alouettes, et c'est un manque de respect. Nous respectons beaucoup l'Impact et le Canadien et nous voulons que le sport connaisse du succès à Montréal, Mais il ne faut pas semer la confusion dans le marché et c'est ce que fait le Canadien.»

Évidemment, s'il fallait que les Alouettes soient battus lors de la finale de l'Est, le 15 novembre, l'affront du Canadien serait un moindre mal. Personne ne prétend qu'un match de la Coupe Grey entre les Blue Bombers de Winnipeg et les Stampeders de Calgary déclencherait les passions à Montréal.

N'empêche. Au moment où le Canadien a annoncé que le numéro 33 de Roy serait hissé dans les hauteurs du Centre Bell, les Alouettes venaient de remporter cinq matchs de suite et trônaient au sommet de la division de l'Est de la LCF, avec une fiche de 7-3. Pas besoin d'être un expert du football à trois essais pour comprendre que les Alouettes, qui ont depuis remporté le titre de leur division, avaient dès lors de fortes chances d'être sur le terrain du Stade olympique lors du coup d'envoi du 96e match de la Coupe Grey.

Selon le vice-président aux Communications du Canadien, Donald Beauchamp, la date du 22 novembre était arrêtée depuis longtemps, à la demande notamment de la CBC, qui diffusera le match du Tricolore. Le même soir, à Toronto, les Maple Leafs honoreront leur ancien capitaine, Wendel Clark.

«L'organisation du Canadien avait décidé depuis longtemps que les retraits de numéros devaient se terminer avant le début officiel des fêtes du centenaire de l'équipe, le 4 décembre», a indiqué M. Beauchamp, précisant que le président du Canadien, Pierre Boivin, avait appelé Larry Smith et le commissaire de la LCF, Mark Cohon, pour s'excuser «de n'avoir pu éviter ce contretemps». «Le Canadien n'a nullement fait ça pour nuire à la Coupe Grey ou manquer de considération envers les Alouettes.»

Petit hic: le porte-parole de la CBC, Jeff Keay, affirme que la décision appartenait entièrement au Canadien et que la société d'État se serait accommodée de n'importe quelle date.

Qui dit vrai? Au fond, peu importe. Certes, le 22 novembre fait sûrement l'affaire de la CBC. Ça lui donne l'occasion de faire un peu d'ombre à la programmation de la Coupe Grey de TSN, qui lui a chipé les droits sur le football canadien, il y a deux ans.

Mais en fin de compte, c'est le Canadien, pas la CBC, qui décide quand il honore ses anciens joueurs. Et le Canadien, qui monopolise l'espace médiatique montréalais 10 mois par année, aurait pu la jouer modeste, pour une fois, et avoir la décence de laisser au football canadien ses 15 minutes de gloire.

Le propriétaire du Canadien, George Gillett, a laissé entendre la semaine dernière que sa famille et lui étaient prêts à faire leur part pour sauver le Grand Prix du Canada. L'intention est noble et démontre l'attachement des Gillett envers Montréal. Mais il y a parfois des manières plus simples de se comporter en bon citoyen corporatif - comme d'éviter de piler inutilement sur les plates-bandes d'un rival qui n'en est même pas un.

 

Photo: André Pichette, La Presse