Difficile de croire qu'on se retrouve ici, après 37 jours de campagne. Le Canada est revenu à la case départ en réélisant un gouvernement conservateur minoritaire.

Tout cela pour cela?  

Le Québec ne sort pas renforci de ces élections. Si les conservateurs ont limité les dégâts, ils n'ont pas fait de percée. Ainsi, les Québécois seront toujours aussi mal représentés au gouvernement. Pis, les Montréalais sont orphelins avec la défaite du ministre Michael Fortier. Bref, on ne voit pas qui, au fédéral, défendra une cause comme celle du Grand Prix du Canada.

Sans gains au Québec, la majorité qui semblait à portée de main lorsque Stephen Harper a déclenché les élections par pur opportunisme échappe encore aux conservateurs.

Le premier ministre y semblait déjà résigné la semaine dernière lorsqu'il a déclaré au présentateur de la CBC Peter Mansbridge qu'il aurait un second mandat plus fort avec une deuxième minorité de suite. Selon lui, le gouvernement aurait les coudées plus franches parce que les partis d'opposition n'oseraient pas le renverser. C'est ce qu'on appelle prendre ses désirs pour la réalité!

À tout événement, la vraie question est plutôt de savoir ce que Stephen Harper compte faire de ce fameux pouvoir.

Le chef conservateur a mené sa campagne électorale de la même façon qu'il gouvernait ces derniers mois: sur le pilote automatique. C'est comme si, après la réalisation des cinq promesses avec lesquelles ils avaient été élus une première fois, les conservateurs étaient en panne complète d'inspiration.

Or, l'économie commande une attention immédiate, pas cette désinvolture qui a fait si mal aux conservateurs en fin de campagne. Avant d'être une occasion d'achat en Bourse, la crise sur Wall Street est une menace réelle pour des milliers de Canadiens qui approchent de la retraite.

Il est vrai, comme le dit Stephen Harper, que le Canada ne souffre pas de crise immobilière aiguë. Il est vrai que le Canada dispose du système bancaire le plus solide de la planète, selon le World Economic Forum. Il est vrai qu'il se crée encore de l'emploi au pays, même si c'est en quantité et en qualité moindre.

Mieux, le pire de la crise financière pourrait être dernière nous avec le déploiement des plans de sauvetage en Europe et aux États-Unis, en vertu desquels les gouvernements ont posé le geste extrême de nationaliser en partie leurs grandes banques.

Cela dit, il est impossible que le Canada échappe à l'onde de choc qui part des États-Unis, son premier marché d'exportation.

Certains économistes chez les firmes UBS et Scotia Capital vont jusqu'à prétendre que le Canada est déjà en récession. Une majorité préfère parler de stagnation.

Quoi qu'il en soit, le Canada ne pourra plus compter sur la production de pétrole ou de matières premières comme la potasse pour remorquer son économie, puisque le spectre d'une récession mondiale a plombé leurs cours.

Et ce n'est pas la chute abrupte du dollar canadien qui relancera de sitôt les économies manufacturières du Québec et de l'Ontario. Il faudrait que cette baisse perdure, et encore mettra-t-elle du temps avant de se traduire en commandes et en embauches.

Or, le plan d'aide économique que le premier ministre Harper a présenté in extremis la semaine dernière n'atteint pas la cible. Ces mesures d'une valeur estimée à 745 millions de dollars aident les entreprises qui ont encore les moyens d'investir. Mais le plan ne fait rien pour les manufacturiers qui luttent pour leur survie. Or, ce ne sont pas tous des canards boiteux.

L'empathie ne sert pas seulement à rassurer les électeurs qui craignent pour leurs vieux jours. Elle peut aussi agir comme un baume sur l'économie.

Avec l'énoncé économique ou le mini-budget qui ne saurait tarder, Stephen Harper aura une chance ultime de se reprendre.