Raymond Royer quitte la tête de Domtar, dont il dirigeait les destinées depuis 12 ans. Sous sa gouverne, l'entreprise est devenue le numéro un de la fabrication de papiers fins en Amérique du Nord.

Domtar a aussi acquis la réputation d'une société particulièrement bien gérée grâce à la culture implantée par M. Royer. Une culture axée sur la satisfaction des clients et des actionnaires et sur la participation des employés au succès de l'entreprise.

 

M. Royer a multiplié les rencontres avec ces derniers, pour recueillir leurs idées et pour les convaincre que leur emploi et leurs conditions de travail dépendaient de la rentabilité de la compagnie. «Les gens ont compris ce que nous pouvions faire ensemble et à partir de ce moment-là, nous pouvions battre n'importe qui», a expliqué M. Royer lors d'une rencontre avec les journalistes de La Presse.

«Quand la demande pour nos produits a commencé à diminuer, j'ai dit à nos gens: «Nous avons le choix. Ou bien nous sommes sur le menu, ou bien nous lisons le menu. C'est à vous de décider. Si nous voulons lire le menu, il faut acheter des compagnies. Pour ça, j'ai besoin d'une action forte, donc de résultats.» (...) Encore aujourd'hui, quand vous allez dans nos usines, les gens vont vous dire: «Pas de clients, pas de jobs.»»

Le PDG sortant de Domtar ne voyait pas seulement loin dans la façon de gérer son personnel. Il fut aussi un précurseur en matière d'environnement. Dès 1999, Domtar s'est inscrite dans le processus de certification le plus exigeant pour la gestion des forêts, celui du Forest Stewardship Council (FSC), approuvé par plusieurs organisations écologistes. «Nous avons été les premiers à faire ça en Amérique du Nord, souligne M. Royer. Malgré cela, pour plusieurs, couper un arbre c'est encore un drame. Or, la forêt est une manne, une richesse qui se perpétue pourvu qu'on la gère de façon responsable.»

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Aujourd'hui bien implantée aux États-Unis, Domtar peut mesurer les avantages et désavantages concurrentiels du Canada. À l'usine d'Ashdown (Arkansas), souligne Raymond Royer, les employés travaillent 42 heures par semaine. À Windsor (Québec), «une excellente usine», la semaine de travail ne compte que 37 heures et un tiers par semaine: «Si j'ai besoin de 1000 personnes pour produire telle quantité de papier à Ashdown, il m'en faut 1120 à Windsor. Moi, je suis obligé de comparer!»

L'avenir de l'économie québécoise a toujours préoccupé Raymond Royer, qui est membre du conseil d'administration de La Presse. Il fut l'un des premiers à proposer que les tarifs d'électricité soient portés au niveau des prix du marché. «J'avais fait des calculs maison et j'étais arrivé à la conclusion - ça reste à vérifier - que si nous avions payé 75% des tarifs en vigueur dans l'État de New York ou en Ontario, le Québec n'aurait pas de dette!»

Convaincu qu'une main-d'oeuvre bien formée est essentielle à la compétitivité du Québec, il croit que les droits de scolarité des universités devraient également être augmentés. «Nous avons le choix entre partager aujourd'hui une richesse que nous n'avons pas ou créer une richesse pour l'avenir.»

La voix d'un homme qui a fait preuve de tant de clairvoyance dans le passé mérite d'être écoutée.