Andrew Halco, un politicien qui a débattu une douzaine de fois avec Sarah Palin en Alaska, avait prévenu: «Elle maîtrise à la perfection, non pas les faits, les chiffres et les politiques raffinées, mais bien l'art de ne pas répondre et de livrer des généralités... éblouissantes!» (dans le Christian Science Monitor)

Hier soir, la candidate républicaine à la vice-présidence américaine allait-elle, par ce seul don, avoir le dessus sur Joe Biden? Ou, face au vieux routier démocrate dont le savoir politique est encyclopédique, allait-elle carrément se planter, frapper un mur, s'écrouler?

 

Eh bien, les voyeurs politiques qui entretenaient l'espoir inavoué - et inavouable - d'assister à un massacre, un peu comme certains fans de Formule 1 attendent en leur for intérieur l'horrible accident, auront été amèrement déçus.

À aucun moment, Sarah Palin n'a «gelé» comme un... orignal devant les phares d'une voiture, ce qui lui était arrivé sous les questions de Katie Couric, du réseau CBS. Elle a visiblement assimilé une formidable quantité d'informations au cours des trois jours qu'elle a consacrés à préparer ce débat, au ranch de John McCain, en compagnie de conseillers surtout issus de la machine électorale de George W. Bush.

Joe Biden, lui, a été à la fois circonspect, prudent et généreux - pas de pied dans la bouche. En fait, c'est de lui qu'est venue la tirade la plus émouvante du débat lorsque, disant qu'«un homme aussi sait ce qu'est élever seul deux enfants», il a évoqué le drame familial qu'il a vécu en 1972 lorsque son épouse et un de ses enfants sont morts dans un accident.

C'est anecdotique, mais ce n'est pas anodin: le sénateur du Delaware a alors affiché une sensibilité humaine que tout le langage populiste (les «Jos six pack» et autres «hockey moms») que maîtrise à la perfection la gouverneure de l'Alaska n'a pas réussi à égaler.

Cela dit, il était impossible que l'expérience et la connaissance accumulées de Joe Biden ne finissent pas par lui donner une sorte de supériorité sur le plan strict de la doctrine politique.

Et si les portions du débat portant sur la taxation, les plans d'assurance santé, la crise financière, ont été techniques et peu concluants - pour tout dire, un peu ennuyeux -, les échanges en matière de politique internationale, eux, ont été éclairants. Et tout à l'avantage du candidat démocrate, tant au sujet de l'Afghanistan, du Pakistan ou de l'Iran que, de toute évidence, Joe Biden n'a pas repéré tout juste hier sur une mappemonde...

Au total, il faut cependant se souvenir que c'est la qualité du jugement de John McCain qui était en jeu, hier soir, à St. Louis. Si Sarah Palin s'était incarnée en une catastrophe ambulante, McCain aurait été gravement atteint.

Or, sans doute le débat ne rassure-t-il pas totalement sur la capacité de cette femme à se trouver «à un battement de coeur» de la présidence. Mais, à tort ou à raison, il a certainement coupé court à un mouvement de quasi-panique qui était en train de s'emparer même de certains républicains.

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