Parce que nous avons le nez collé sur notre époque, nous ne sommes pas toujours en mesure d'apprécier toute l'ampleur des changements qui bouleversent notre société.

Or, en ce qui concerne la dynamique des relations familiales, les Occidentaux ont vécu, en peu de temps, une véritable révolution.

 

Pour nous en convaincre, il suffit de regarder la série télé Mad Men, qui vient de remporter le prix Emmy de la meilleure dramatique aux États-Unis.

On y suit les aventures d'un groupe de publicitaires de Madison Avenue dans les années 60. On y constate qu'à l'époque, les femmes étaient surtout appréciées pour leur valeur ornementale. La relation père-enfant se résumait bien souvent à un baiser sur le front tard dans la nuit tandis que le partage des tâches entre conjoints ressemblait à peu près à ceci: madame préparait le martini, monsieur le buvait...

Le récent rapport du Conseil de la famille qui se penche sur la situation des pères au Québec nous permet d'apprécier le chemin parcouru en moins d'un demi-siècle. Il est immense. Il confirme une tendance réjouissante: les pères s'impliquent davantage dans le quotidien de la famille.

Bien que les statistiques sur les pères soient nettement insuffisantes (on ne sait même pas combien d'hommes sont pères au Canada!), elles ont tout de même permis aux auteurs de l'étude de constater les effets bénéfiques du Régime québécois d'assurance parentale. Les deux tiers des pères admissibles au programme se sont prévalus de ce congé de cinq semaines en 2006. C'est bien la preuve qu'en matière de conciliation travail-famille, l'intervention de l'État peut faire une différence.

La mauvaise nouvelle, car il y en a une, c'est que les pères consacrent plus de temps au travail et aux déplacements. La conséquence: ils passent moins de temps qu'avant avec leurs enfants. Plus concrètement, en 10 ans, le temps de loisirs des pères avec leur enfant a diminué de six heures. C'est plusieurs parties de hockey, de basket-ball ou de Monopoly. Les mères aussi, dans une moindre mesure, consacrent moins de temps de loisirs à leurs enfants.

Mais la surprise (et elle est de taille), c'est que les parents ne semblent pas trop s'en plaindre. Entre 1999 et 2002, lorsqu'on leur demandait s'ils préféraient réduire ou augmenter leur semaine de travail, les parents choisissaient la seconde option. Et le fait d'avoir plus d'un enfant n'y changeait pas grand-chose.

Que signifient ces chiffres? La bonne vieille blague qui veut que les parents de jeunes enfants aillent se reposer au travail serait-elle fondée? Ou faut-il plutôt y voir une volonté des parents d'augmenter leur temps de travail pour augmenter leurs revenus? Et surtout, répondraient-ils de la même façon aujourd'hui? Il faudrait fouiller davantage avant de tirer des conclusions trop hâtives.

Au-delà des chiffres et des statistiques, ce que ce rapport confirme, c'est que les pères engagés ne sont plus marginaux. Qu'à leur façon - qui est différente de celle des mères - ils souhaitent jouer un rôle actif dans la vie de leur enfant. Tout le monde en sort gagnant.

nathalie.collard@lapresse.ca