Ce soir, Kent Nagano et l'Orchestre Symphonique de Montréal vont se produire gratuitement devant la mairie de Montréal-Nord, cette «zone» durement touchée par les problèmes que l'on sait, la pauvreté et la violence, la mort tragique du jeune Fredy Villanueva et les confrontations subséquentes.

Le chef de l'OSM a accepté l'invitation du maire Gérald Tremblay, qui désirait ouvrir de cette façon aux résidants de ce quartier une fenêtre sur un aspect de la vie, de la culture et de la société que, pour la plupart, ils ont eu peu de chances d'apprendre à connaître.

Est-il étonnant que Nagano ait spontanément répondu à cet appel? Bien sûr que non.

Le directeur musical officiellement entré en poste à l'OSM en septembre 2006 n'a cessé, depuis, de surprendre par ses efforts pour impliquer toujours davantage l'orchestre dans la cité; pour briser les murs de verre qui enferment la «grande» musique hors de la portée du commun des mortels; pour désacraliser la liturgie symphonique en ne snobant pas, par exemple, les ressources offertes par la technologie.

Nagano a créé des événements musicaux autour du général Roméo Dallaire ou du Canadien de Montréal. Il a ouvert la saison 2006-2007 (la première qu'il a lui-même construite) en relayant à l'extérieur, par vidéo et par une présentation audacieuse, le concert donné dans la salle Wilfrid-Pelletier. Après la déprime qui a suivi le départ de Charles Dutoit, il a requinqué l'orchestre et en a fait un objet de grande attention médiatique et populaire.

Jeudi soir, la télédiffusion du concert marquant l'ouverture de la 75e saison de l'OSM a été exactement à l'image du chef. Et, soit dit en passant, à la hauteur de ce que les artisans de Radio-Canada sont capables de faire lorsqu'on leur en donne l'occasion.

Dans des milliers de foyers au pays, la télé haute définition a ainsi relayé un spectacle captivant où il y avait à voir autant qu'à entendre; où la mise en scène, le décor, l'éclairage, l'environnement vidéo, la captation visuelle bref, où tout était somptueux, moderne, vivant. Évidemment, le programme - incluant l'irrésistible «hameçon» du Boléro de Ravel - était ingénieusement conçu pour séduire, non pas les convertis ayant leur résidence secondaire dans une loge de la Place des Arts, mais plutôt ce large public que Nagano ne cesse de courtiser.

Combien de gens dont la salle de séjour a ainsi été transformée en salle de concert en redemanderont à l'OSM et à la télévision d'État? Qu'est-ce que cette expérience enseigne sur les outils technologiques dont on pourrait aussi avoir recours en salle?

À tous points de vue, Kent Nagano peut et doit aller encore plus loin.