(Montréal) Un nombre croissant d’entreprises canadiennes n’exigent plus que leurs employés soient vaccinés pour aller travailler au bureau, alors que les politiques d’entreprise s’assouplissent conformément aux directives de santé publique.

Les gouvernements continuent d’atténuer les restrictions liées à la COVID-19. À partir de lundi, Ottawa permettra aux travailleurs des compagnies aériennes et des chemins de fer ainsi qu’aux passagers de monter à bord même s’ils n’ont pas reçu le vaccin.

Les grandes banques canadiennes et les quatre plus grands cabinets comptables ont tous annulé leur obligation vaccinale pour les employés à leur retour au bureau. Les deux plus grands chemins de fer font de même, tout comme Air Canada.

La plus grande ligne aérienne du pays a précisé dans un courriel qu’elle avait rappelé près de 600 employés – moins de 2 % de son personnel – qui étaient en congé sans solde depuis plus de sept mois en raison d’une exigence voulant que les travailleurs de l’aviation soient vaccinés. Ceux qui retournent au travail ne recevront pas de compensation pour leur absence, a précisé le porte-parole, Peter Fitzpatrick.

Cependant, tous les grands employeurs ne sont pas de la partie. La Financière Sun Life affirme que son exigence de vaccination pour des dizaines de milliers d’employés de bureau au Canada restait en place pour le moment.

« Nos employés continuent d’avoir la flexibilité et le choix de travailler dans un bureau, à domicile ou les deux. Nous voulons que tout le monde se sente à l’aise d’entrer dans nos bureaux », a expliqué la porte-parole, Nadine Jahangir, dans un courriel.

Les gouvernements donnent le ton

Mark Agnew, vice-président principal de la Chambre de commerce du Canada, affirme que la tendance à l’abandon de l’obligation vaccinale marque une réponse aux changements dans les règles provinciales et fédérales, ainsi qu’à l’acclimatation croissante des travailleurs aux espaces intérieurs partagés.

« Le gouvernement a un véritable rôle à jouer pour donner un ton que les gens écouteront », a-t-il estimé, ajoutant que de nombreuses entreprises gardaient à l’esprit leur responsabilité et leur réputation.

« Si la province ne l’exige pas pour les restaurants ou les cinémas, peut-être que nous ne devrions pas le faire nous non plus. »

Abandonner une telle exigence n’exclut pas de la réimposer en cas de septième vague à l’automne, a cependant souligné Kathleen Chevalier, avocate en droit du travail et de l’emploi chez Stikeman Elliott.

« Le fait de retirer (cette politique) ne la rend pas nécessairement, d’un point de vue juridique, plus difficile à remettre en place si la justification sous-jacente se présente de nouveau », a fait valoir Mme Chevalier lors d’une entrevue, en évoquant la santé des travailleurs.

« Du point de vue des relations avec les employés, cependant, cela pourrait être une autre paire de manches. »

Certaines entreprises ont accolé des mises en garde à leur abandon de l’obligation vaccinale.

Les employés d’Ernst & Young doivent présenter une preuve de vaccination complète si les clients le demandent, a expliqué la porte-parole, Victoria McQueen.

Par ailleurs, les calendriers pour la levée de ces politiques varient grandement d’une entreprise à l’autre. PwC Canada a levé l’obligation vaccinale pour ses 7300 employés le 13 avril et KPMG n’a emboîté le pas que jeudi pour ses 8700 travailleurs, soit un peu plus de deux mois plus tard.

Des décisions généralement favorables à l’obligation

Les obligations vaccinales ont suscité des contestations de la part de certains syndicats au cours de la dernière année, lesquelles ont débouché sur des décisions d’arbitrage qui avaient tendance à favoriser les employeurs.

En 2021, la commission scolaire du district de Toronto a ordonné à tous ses employés qui avaient un contact direct avec le personnel ou les élèves de se faire vacciner, ce qui a suscité des griefs et un tollé de la part du Syndicat canadien de la fonction publique, qui a plaidé pour des tests de dépistage fréquents et d’autres mesures à la place.

L’arbitre William Kaplan a déterminé que la politique ne portait pas atteinte aux droits de la Charte sur la sécurité de la personne. Il a également statué que les tests antigéniques rapides ne constituaient pas un substitut approprié à la vaccination complète, qu’il considérait comme le moyen le plus efficace de prévenir la transmission dans les écoles. L’obligation vaccinale a été abandonnée en mars.

« Cette décision de placer des personnes non vaccinées en congé sans solde – est-ce un exercice raisonnable du pouvoir discrétionnaire et des droits de la direction sur le lieu de travail ? De manière générale, la réponse à cette question a été oui », a noté Mme Chevalier.

Le syndicat représentant les travailleurs canadiens de l’automobile chez Stellantis est actuellement en arbitrage avec l’employeur au sujet de sa vaccination obligatoire contre la COVID-19, ce qui a entraîné la mise en congé sans solde de centaines de personnes et a suscité des griefs de la part des sections locales d’Unifor dans plusieurs usines d’assemblage de l’Ontario. Les griefs ont été déposés alors que le président d’Unifor, Jerry Dias, avait approuvé une obligation vaccinale identique pour les employés de bureau au siège social du syndicat, en novembre.

Robbie Pryde, chef des services bancaires aux entreprises et d’investissement chez Valeurs Mobilières TD, a souligné que les employés étaient particulièrement à l’aise de retourner au travail lorsqu’ils savaient que leurs collègues sont vaccinés et que l’espace de travail est suffisamment peu fréquenté – même si la divulgation des informations sur la santé est généralement confidentielle.

« La plupart, sinon la totalité, des gens de la banque d’investissement ont été vaccinés. Je pense que c’était assez connu. Je n’ai pas ressenti beaucoup d’angoisse du tout, a-t-il expliqué lors d’une entrevue. Notre bureau couvre une assez grande surface. »

La division bancaire de M. Pryde a un modèle de travail hybride – trois jours au bureau, deux à distance – depuis environ un an.

« Il ne semblait vraiment pas y avoir beaucoup de stress – (celui-ci) tournait plutôt autour des transports en commun et des espaces intérieurs, comme les ascenseurs », a-t-il ajouté.

Un traitement équitable, ou sa perception, est un autre facteur. Certains pourraient se plaindre d’une règle qui permet au personnel non vacciné de travailler à domicile tandis que ceux qui ont retroussé leur manche doivent se déplacer au bureau.

« Si Jim pense que Susan a obtenu une offre spéciale qu’il aurait dû obtenir, cela peut vraiment rendre les lieux de travail assez toxiques », a souligné M. Agnew.

« Les employeurs sont vraiment conscients de ces types de dynamiques et s’assurent que tout le monde est traité de façon équitable et que les règles sont appliquées de manière cohérente. »